Quand vient le temps de parler des études de l'IRIS, Alain Dubuc n'a pas l'habitude de mâcher ses mots: «torchon», «pamphlets», «artifices maladroits», tout y passe.

Poursuivant cette tradition, il affirmait samedi dernier que nous écrivions des «sottises» à propos de la dette du Québec. Nous nous abstiendrons de faire usage du même niveau de vocabulaire, et nous contenterons ici de lui répondre sur les faits.

Selon M. Dubuc, nous aurions tort de dire que le Québec est moins endetté que la majorité des pays de l'OCDE. Notre étude présente des données comparatives entre le Québec et les pays de l'OCDE. Nous présentons les engagements financiers du gouvernement du Québec avec ou sans une part de la dette fédérale. Pour nous, il est plus juste de les présenter sans plutôt qu'avec. Pourquoi? Parce qu'en aucun cas, le gouvernement du Québec ne peut être tenu responsable des choix du gouvernement fédéral, pas plus qu'il ne peut être considéré comme son prêteur de dernier recours.

Si d'aventure le Québec devenait un État indépendant, le partage de la dette fédérale serait le résultat d'une négociation qui dépendrait des rapports politiques en place. En attribuant une part de la dette fédérale au Québec, on n'étudie plus les engagements financiers du gouvernement du Québec, mais bien un amalgame qui comporte des montants pour lesquels il n'a aucune responsabilité. Bien entendu, M. Dubuc ne rappelle pas que si on lui attribue une part de la dette fédérale, l'Ontario a une dette à peu près équivalente à celle du Québec.

Peu importe ce que M. Dubuc ou nous-mêmes pensons de cette question, notre étude présente les deux données. Quand il reprend nos données, M. Dubuc oublie commodément de signaler que la présence ou l'absence d'une part de la dette fédérale ne change pas à la place du Québec dans le palmarès des pays du monde quand on considère les engagements financiers nets, c'est-à-dire en tenant compte des actifs financiers du Québec, de l'argent qu'il accumule dans divers fonds.

Or, il se trouve que cette donnée est importante. Le gouvernement du Québec accumule beaucoup d'argent dans des fonds: le Fonds d'amortissement des régimes de retraite (FARR) et le RRQ étant les premiers exemples qui viennent à l'esprit. Il est évident que devant une situation économique difficile où poindrait un défaut de paiement, le Québec pourrait faire usage de ces ressources. Ne pas en tenir compte permet de noircir inutilement le tableau de la situation économique du Québec. Les engagements nets représentent 17% du PIB du Québec - 35% si on y ajoute le fédéral - , beaucoup moins que les États-Unis (81%), la France (73%), le Royaume-Uni (65%), l'Allemagne (49%), les Pays-Bas (44%) et même que le Canada (40%). Bien sûr, quand M. Dubuc écrit sa chronique, il omet de le mentionner.

M. Dubuc omet aussi de signaler que nos écrits montrent que les deux tiers de la dette du Québec ont été contractés pour financer des infrastructures, que l'on peut évaluer que 85% de celle-ci est détenue par des Québécois et des Canadiens - et que près de 30% est contrôlée par le gouvernement du Québec - , et qu'à la suite de la crise de 2008, le Québec a vu sa dette croître de 5 points de pourcentage, tandis que l'Ontario voyait la sienne augmenter de 15 points et les États-Unis de 40. Nulle question de notre part de nier l'importance d'un outil économique comme la dette publique; nous souhaitons simplement remettre les choses en perspective. Pour M. Dubuc, la nuance et la perspective, c'est déjà trop.