Monsieur le ministre des Transports,

L'évocation d'une hausse possible des limites de vitesse sur les autoroutes est une excellente nouvelle. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne?

À l'automne 2002, un de vos prédécesseurs, Serge Ménard, avait évoqué l'idée. Ça n'était pas allé bien loin. Et jusqu'à tout récemment, la page d'accueil du site de la SAAQ affichait un lien menant à une étude très discutable qui n'y était pas favorable.

Ian Tootill, lui, est bien occupé ces jours-ci. Le fondateur de SENSE (Safety by Education Not Speed Enforcement) ne cesse de répondre aux demandes des médias depuis la hausse des limites en Colombie-Britannique. Selon lui, les audiences publiques ont aussi apporté un point majeur: on a tué pour de bon l'aphorisme «La vitesse tue». Vos ex-collègues de travail qui conduisent nos ministres le savent fort bien.

Aux États-Unis, la National Highway Traffic Safety Administration ne dépense plus de fonds publics dans la campagne «Speed Kills». Récemment, le journaliste de La Presse, Denis Arcand, rapportait qu'au rythme où la mortalité routière diminue chez nos voisins, il y aura bientôt plus de morts par balle que dans des collisions routières. Les Américains et les autres provinces ont fait aussi bien, sinon mieux que nous, et ce, sans table de concertation.

Des autoroutes rapides et sécuritaires

Le moment n'est-il pas venu de fixer les limites en fonction de la règle du 85e percentile? Afficher des maximums qui sont respectés par 85% des automobilistes, c'est sécuritaire. On réduit les interactions lors des manoeuvres de dépassement. En juin 2006, le Texas a adopté une limite à 128 km/h et le bilan a continué de s'améliorer au cours des cinq années suivantes. Cela a amené un nouveau seuil à 137 km/h sur la 130, nouvelle autoroute à péage reliant les villes de San Antonio et Austin. Les Anglais sont sur le point de rejoindre les pays européens avec limitation à 130 km/h.

Nos autoroutes sont inspirées du modèle allemand. Dans les années 50-60, nous avons regardé ce que faisaient nos voisins américains. L'ex-commandant en chef des forces alliées durant la Seconde Guerre mondiale devenu président, Dwight D. Eisenhower, avait été emballé par l'ingéniosité du réseau d'autoroutes de l'Allemagne. Il lança donc le plus vaste chantier de construction de l'histoire des États-Unis, le Eisenhower Intestate System.

Ces voies rapides, par leur conception, éliminent les deux types de collisions les plus dangereuses, le face-à-face et le latéral à 90 degrés. Elles sont les routes les plus sécuritaires que l'on puisse emprunter. Seulement 4 à 7% de tous les morts sur les routes se produisent sur ces chaussées divisées. En Croatie, les autoroutes sont récentes. Autrefois sous l'emprise du régime de l'ex-Yougoslavie, le gouvernement communiste n'a pas eu la générosité de leur construire un seul kilomètre d'autoroute. Aujourd'hui, même avec un seuil à 130 km/h, on sauve des vies.

La dernière chose que les contribuables veulent voir, M. Poëti, c'est un autre gaspillage des fonds publics pour une loi qui n'augmentera que de 10 km/h nos limites sur les autoroutes. Je vous invite à voir le documentaire devenu viral et qui a déclenché les audiences publiques en Colombie-Britannique. Tapez simplement dans YouTube: La vitesse tue votre portefeuille.

Au cours des 30 dernières années, le Québec a compté plus de 5 millions de détenteurs de permis de conduire. Un groupuscule, environ 6% des conducteurs, a été responsable des tragédies routières causant des morts ou des blessés graves. Dans presque tous les cas, la vitesse n'était qu'un facteur aggravant comme le rapportent les études du Department for Transport, en Angleterre: le non-respect du droit de passage d'un des véhicules impliqués dans la collision par le conducteur fautif résume assez bien la situation. Avons-nous besoin d'une photo en plus?