Que peut signifier un autre cessez-le-feu entre les forces israéliennes et le Hamas, si ce n'est quelques victimes en moins dans l'attente, un an ou deux plus tard, d'une nouvelle flambée de fusées de Gaza, une nouvelle incursion israélienne et une communauté internationale impuissante à la recherche d'un nouveau cessez-le-feu aussi éphémère que les précédents?

Mais le glas qui sonne, ce n'est pas pour les victimes de ce carnage, innocents otages d'une thébaïde infernale. Il sonne de plus en plus pour annoncer la fin de tout rêve d'aboutissement du processus de paix au Moyen-Orient.

Il y a avait eu le beau discours du président Obama au Caire en 2009 qui avait redonné une lueur d'espoir quant à la création d'un État palestinien. Celle-ci avait presque été réalisée quelques mois plus tôt par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le premier ministre israélien d'alors, Ehoud Olmert. Mais c'était sans compter sur le personnage au coeur de l'impasse, Benyamin Nétanyahou, qui, nonobstant quelques discours délibérément flous sur un éventuel État palestinien, n'a jamais eu la moindre intention de présider à sa création. Il l'a confirmé il y a quelques jours en se servant de l'exemple des tunnels du Hamas pour dire que jamais Israël ne cédera le contrôle du territoire à l'ouest du Jourdain afin de ne pas risquer le creusage «de mille tunnels» en Cisjordanie.

Mais le Hamas n'a cessé de donner toutes les raisons voulues à Nétanyahou pour enchâsser sa doctrine. Récusant l'existence même d'Israël, le Hamas a sacrifié l'avenir possible d'un peuple à coups de surenchère face à Mahmoud Abbas. Celui-ci, dans la foulée de Yasser Arafat, poursuivait courageusement l'option des deux États indépendants, vivant côte à côte en sécurité. Cette option était appuyée par les États-Unis, par l'initiative arabe d'une reconnaissance d'Israël par tous les États arabes en échange d'un accord sur les deux États, et par l'ONU, dont les résolutions en ce sens ont été martelées depuis longtemps. On peut ajouter à ce choeur l'inutile Quartet, qui n'existe que pour donner belle figure à l'Europe.

John Kerry s'est noblement cassé les dents dans l'aventure et il n'y a gagné que l'humiliation d'être fouillé à sa dernière visite au Caire. Et Mahmoud Abbas, sentant le sol se dérober sous lui, s'est avili à conclure une entente avec le Hamas - l'attaque israélienne aura sans doute pour effet de la rendre encore plus caduque qu'elle ne l'était déjà au départ. Et Nétanyahou a beau jeu de dire qu'il ne peut négocier avec deux interlocuteurs dont l'un se voue à l'éradication d'Israël. Il avait tout aussi beau jeu auparavant de dire qu'il ne pouvait négocier avec un interlocuteur - Abbas - qui ne représentait pas l'ensemble de la population palestinienne!

Aujourd'hui, on parle de démilitariser Gaza, ce qui veut tout simplement dire éliminer le Hamas, en particulier son pouvoir sur Gaza. Bien que cette démilitarisation soit un objectif légitime, il faut porter des lunettes roses pour croire qu'Israël se mettrait à table dès le lendemain avec Abbas pour créer l'État palestinien. Même si, en principe, Nétanyahou n'aurait devant lui qu'un seul interlocuteur et devrait renouer le dialogue. Mais Abbas sortira de la crise terriblement affaibli, tandis que le militantisme en Cisjordanie, alimenté par les massacres à Gaza, avec ou sans intifada, donnera encore plus d'arguments à Nétanyahou pour ne rien céder. Après tout, ne sera-t-il pas le grand victorieux de cette guerre inégale? Et puisque le Hamas est un groupe terroriste tant aux yeux de l'opinion publique internationale que des gouvernements occidentaux, après quelques larmes versées pour les victimes du conflit, ceux-ci proclameront que la population de Gaza a été libérée du Hamas.

L'avenir des Palestiniens, tristement, reste celui qui est le leur maintenant: résidents enclavés, mais non citoyens libres.