Le 7 juin, lors de son assermentation, le président ukrainien, Petro Porochenko, a fait une promesse à son peuple: obtenir rapidement un cessez-le-feu dans l'est du pays. Le cessez-le-feu serait le prélude à la mise en oeuvre d'un plan de paix dont le président a exposé les 14 points à son homologue russe, Vladimir Poutine, lors d'une longue conversation téléphonique, mardi soir.

Si le président a rendu public son entretien avec Poutine devant des militaires qu'il rencontrait mercredi, il s'est montré avare de commentaires sur les contours du plan. Il a tout au plus lancé que «le plan de paix débute avec mon ordre de cessez-le-feu unilatéral», se gardant de préciser exactement à quel moment les armes allaient se taire. Il a dit espérer recevoir rapidement le soutien de tous les participants impliqués dans le conflit.

Selon des informations qui circulent dans les médias ukrainiens, le plan de paix contiendrait des propositions sur l'accroissement des pouvoirs des régions, une plus grande autonomie dans la gestion de leurs budgets, le soutien à la langue russe, des élections locales et une amnistie pour les combattants qui déposeront les armes. Si ces propositions sont calquées sur les revendications des prorusses, leur mérite ne pourra être apprécié que lorsque ceux-ci en auront pris connaissance lors de négociations officielles.

Or, le lancement de négociations exige d'abord de répondre à un certain nombre de questions: où se tiendront les pourparlers? Quelle forme prendra la table de négociations? Qui présidera les discussions? Qui sera invité? Quels sujets seront abordés? Autant de préalables qui peuvent se transformer rapidement en obstacles parfois difficiles à surmonter. Par exemple, lors des discussions visant à lancer des négociations de paix en Syrie en janvier dernier à Genève, le médiateur Lakhdar Brahimi a fait plusieurs fois la navette entre les représentants du gouvernement de Damas et ceux des rebelles à la seule fin de les convaincre de s'asseoir à la même table. Le face à face a finalement eu lieu, mais la conférence de paix a avorté.

Il y a plus important: en supposant que les négociations commencent, elles risquent de se heurter à ce qui demeure caché, à des non-dits, comme c'est actuellement le cas avec les négociations sur la réunification de Chypre. Il y aura 40 ans cette année que Chypriotes grecs et turcs négocient une formule qui leur permettrait de vivre ensemble de nouveau. Or, il est très clair que l'enlisement des négociations sur le statut de l'île n'a rien à voir avec le partage du pouvoir entre les communautés chypriotes. Il y a quelque chose de plus profond qui explique cette situation et qui a trait aux questions identitaires et religieuses.

Lorsque les Turcs ont envahi le nord de Chypre, ils ont invoqué la nécessité de protéger les Chypriotes turcs, de confession musulmane, des «exactions» réelles ou imaginaires des Chypriotes grecs, de confession orthodoxe. Ils ont poussé leur agression jusqu'à pratiquer une politique de nettoyage ethnique où des milliers de Grecs ont été expulsés et même tués. Ces événements ont laissé des blessures profondes entre les deux communautés, blessures qui semblent aujourd'hui insurmontables.

Dans l'est de l'Ukraine, nous sommes, d'une certaine façon, confrontés à une problématique similaire. Le territoire n'est pas occupé par les forces russes, mais tant Moscou que les prorusses ont usé de violence et ont posé des gestes à fortes consonances identitaires qui sont autant de ruptures avec le reste de l'Ukraine. Il serait donc surprenant qu'une simple dévolution de pouvoirs ou le rétablissement de la langue russe soient suffisants pour régler le conflit. Le coeur du problème est ailleurs. Dès lors, la paix n'est pas pour demain.