Pendant près de 25 ans, j'ai eu l'occasion de travailler pour des entreprises québécoises à la mise en marché et à la vente de produits aux niveaux local et international. Je devais réussir à introduire des produits en magasins de chaînes nationales et de grandes surfaces au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Pour arriver à ces fins il était primordial de connaître de façon spécifique chaque produit des compétiteurs par rapport aux prix, à la qualité et à la différenciation de chacun des produits. Les acheteurs professionnels de ces chaînes faisaient la sélection des produits avec plusieurs analyses de marché afin d'attirer des clients et de tenter d'acquérir la plus grande part de marché en insistant sur le meilleur rapport qualité-prix. Ce combat ne laisse aucune place à l'improvisation.

De son côté, la SAQ possède le monopole de son marché au Québec. Elle peut ainsi décider à sa guise des produits à mettre en étalage et aussi du prix de détail désiré. Ainsi, elle peut profiter de marges importantes sans avoir à se préoccuper des réactions de la compétition qui, dans un marché libre, pourraient faire profiter les consommateurs de prix plus agressifs et attrayants.

Avec mes années d'expérience dans cette jungle du marketing et de la vente, il y a un facteur que j'ai toujours considéré comme primordial, la «Perceived Value», c'est-à-dire la valeur perçue d'un produit. Peu importe le produit, qu'il soit unique, révolutionnaire ou même indispensable, il existe toujours un prix maximum que le consommateur sera prêt à payer. Au-delà de cette valeur, le client ne l'achètera pas, car il aura l'impression de se faire flouer: il préfèrera s'abstenir plutôt que de vivre avec l'impression de se faire avoir.

Avec la mondialisation, l'accès aux produits sur internet et les voyages ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays, le consommateur se rend bien compte que les écarts de prix à la SAQ sont intolérables. Ce n'est pas en engageant des spécialistes en «planographie», soit des spécialistes en disposition stratégique de bouteilles sur les tablettes, que les consommateurs seront bernés, et que la SAQ fera un meilleur profit.

En France, en Italie, ou même aux États-Unis, si je veux acheter de la piquette, je paierai entre 2 et 5$, mais je ne paierai certainement pas entre 12 ou 15$ pour cette même piquette au Québec. Je m'en passerais ou bien je prendrais une bonne bière.

Selon moi, il ne faut pas être sorcier pour comprendre la diminution des ventes de bouteilles à la SAQ et la baisse de ses profits. Faut-il mieux vendre 100 bouteilles à 60% de profit ou vendre 10 000 bouteilles à 10% de profit?