Le président d'Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, dénonce avec raison le fait que le Québec reçoit depuis des années plus en redevances du gouvernement fédéral que ce qu'il donne en impôt et taxes à Ottawa. Cette année seulement, le Québec, devenu une province «pauvre», reçoit plus de 9,3 milliards du fédéral en paiement de péréquation, d'où le qualificatif pour le Québec de province «BS» du fédéral.

M. Bouchard prétend que le Québec dépense trop et manque d'entrepreneurs. Il aimerait moins de gouvernement, moins de réglementation et plus de soutien aux entrepreneurs. En fait, le Québec est tout simplement médiocre dans sa gestion de ses propres fonds publics, incluant ceux provenant du gouvernement fédéral. Par contre, je suis tout à fait en désaccord sur l'aide accordée aux entrepreneurs où, là, le Québec est le champion de la dépense toute catégorie, à un point tel qu'il se fait accuser de soutenir par ses programmes le «BS corporatif».

Comme d'autres personnalités d'affaires qui ont réussi, M. Bouchard critique la gestion du gouvernement du Québec, qui est devenu à la face de tous un modèle de mauvaise gouvernance, de surgouvernance et de non-gouvernance, comme l'ont démontré éloquemment la commission Charbonneau et l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Dans la non-gouvernance québécoise, il y a un aspect qui se démarque dans le discours des gestionnaires, où l'on constate que non seulement personne n'est responsable de bien gérer les fonds publics, mais que le système de protection en place fait en sorte que tout le monde se protège.

Donc, au pire, on peut subir un déplacement et, au mieux, un bonus ou une promotion afin de maintenir la loi du silence face à l'incompétence et le gaspillage généralisé des fonds publics. Ainsi, combien de milliards de fonds publics ont-ils été détournés ou gaspillés au cours des dix dernières années dans le domaine de la construction et ailleurs?

À titre d'exemple, selon le vérificateur général du Québec, plusieurs dizaines de millions sont gaspillés chaque année dans la mauvaise gestion des systèmes informatiques du gouvernement du Québec, sans compter la surconsommation de médicaments d'ordonnance couverte par le système d'assurance médicaments, devenu un «bar ouvert» que certains qualifient de «névrose québécoise du médicament».

Quant au soutien aux entrepreneurs, le Québec est en effet la province qui accorde le plus d'aide aux entreprises par habitant, le double de l'Ontario. Faut-il rappeler que c'est grâce au Régime épargne-actions (RÉA), exclusif au Québec, que M. Bouchard a pu démarrer son entreprise, Alimentation Couche-Tard? D'autres programmes, notamment le Régime d'actions accréditives pour les entreprises d'exploration minière et le plan Paillé, ont permis à des entrepreneurs non seulement de démarrer leurs entreprises, mais aussi d'être exempts d'impôt pendant plusieurs années. Enfin, j'ai participé à la création des services d'aide aux jeunes entrepreneurs (SAJE) et de la Société d'investissement jeunesse (SIJ); souvent, ce ne sont pas l'aide financière et le support qui ont manqué, mais plutôt les bons projets.

Je comprends et je partage les frustrations de M. Bouchard, mais je crois que ce qu'il manque le plus au Québec, c'est surtout de bons gestionnaires, intègres, compétents et responsables, qui auront les moyens de faire face à la collusion, à la corruption et au gaspillage de fonds publics. Espérons que ma demande sera entendue par l'École nationale d'administration publique (ENAP), qui pourrait assumer le leadership d'une réforme de la gouvernance publique au Québec.