Dans son éditorial du 5 mai dans La Presse, André Pratte affirme que Stephen Harper a raison de vouloir imposer un péage pour financer le remplacement du pont Champlain. Lorsque le NPD, le gouvernement du Québec, les municipalités et le milieu des affaires unissent leur voix pour demander au gouvernement conservateur d'abandonner ce plan, M. Pratte qualifie ce combat de «populiste et d'arrière-garde».

Mais que veulent ces opposants? Premièrement, ils désirent faire comprendre à M. Harper que le pont Champlain n'est pas un «pont local». En effet, chaque année, cette infrastructure voit transiter 20 milliards de dollars de marchandises sur son tablier, tandis que la Voie maritime du Saint-Laurent qu'elle surplombe soutient 35 milliards de dollars en activités économiques. Il s'agit donc d'un pont vital pour l'économie canadienne.

De plus, M. Harper et M. Pratte omettent de mentionner que la Voie maritime pourrait jusqu'à faire doubler les coûts de construction du pont de remplacement, selon l'ingénieur René Therrien. Pourtant, parce qu'elle contourne le port de Montréal, cette voie rapporte davantage à l'économie des États-Unis et de l'Ontario qu'à celle de Montréal.

Selon certains, il serait injuste de faire payer le pont à des personnes qui ne l'utiliseront jamais; alors, pourquoi serait-il acceptable pour les résidents de la Rive-Sud et de Montréal de payer plus cher une infrastructure qui profite à autrui?

Par ailleurs, on peut se demander si les personnes qui partagent l'opinion de M. Harper appuient aussi l'entente qu'il a conclue au Nouveau-Brunswick, en 2011, pour abolir le péage du pont du Havre de Saint-Jean. Cet accord prévoyait également le remboursement par Ottawa d'une dette de la société responsable du pont.

J'appuie entièrement l'idée selon laquelle un péage peut servir à contrôler la densité de la circulation et, par le fait même, apporter des bénéfices environnementaux. L'affirmation de M. Pratte voulant que «l'implantation d'un tel système [de péage régional] requiert réflexion et planification» est d'ailleurs très juste. Toutefois, la décision doit découler d'un plan de transport régional établi par Québec et les municipalités, et non pas être dictée par le fédéral.

D'ailleurs, un rapport de Transports Québec publié hier conclut que l'imposition d'un péage sur le futur pont Champlain pourrait augmenter de 50% la circulation sur les autres ponts de la Rive-Sud.

Devant ces faits, un gouvernement responsable se doit de travailler avec ses homologues pour éviter l'impasse. Malheureusement, dans son projet de loi budgétaire actuel, le fédéral fait tout le contraire en abrogeant son obligation de tenir des consultations publiques.

Devant une telle intransigeance, nous devons nous opposer au plan des conservateurs. Le gouvernement pourrait éviter cet affrontement s'il contribuait à une solution concertée et à une vision d'avenir, plutôt que d'être la source du problème.