Depuis la victoire du Parti libéral du Québec et la défaite du Parti québécois, le débat politique national gravite sans surprise autour de l'avenir du français. Samedi dernier, dans La Presse, alors que Boucar Diouf nous éclairait sur la «population minimale viable», Jean-François Lisée a de nouveau imploré que le Québec quitte le Canada pour protéger sa langue, tous deux soulevant la possibilité que la langue de Molière ne se parle plus en Amérique dans 50 ans.

Disons-le haut et fort: le français est plus vivant qu'il ne l'a jamais été!

Au Québec, tout d'abord, la langue française est assurément implantée. Seulement un Québécois sur 20 ne la parle pas, une proportion révélatrice qui est restée stable entre 2006 et 2011, selon Statistique Canada. L'argument que Montréal s'anglicise semble effectivement contredire cela, si seulement les anglophones n'adoptaient pas eux aussi la langue française. Aujourd'hui, trois Anglo-Québécois sur quatre sont bilingues. Ce n'est pas que l'affichage qui a changé de vocabulaire!

Les soi-disant défenseurs de la langue française se reportent souvent aux taux d'assimilation dans le reste du Canada pour se justifier. Or, même ici, les chiffres ne mentent pas. En Ontario, le taux d'assimilation auprès des francophones a été manifestement neutralisé. La part franco-ontarienne demeure stable à presque 5%, soit 600 000 personnes. Dans l'Ouest, le nombre de francophones a augmenté de 18% entre 2006 et 2011.

Désormais plus d'un million, les francophones hors Québec représentent 14% de la population franco-canadienne. Et n'oublions pas que le ROC accueille approximativement 10 000 nouveaux francophones par an.

À cela s'ajoute la croissance de l'immersion française au Canada anglais, dont je suis un exemple. Le nombre de Canadiens inscrits au programme se situe autour de 300 000, 15 fois plus qu'en 1980. À cette époque, 8,3% des Anglo-Canadiens pouvaient se débrouiller en français. Aujourd'hui, cette portion a augmenté à 10,6%, une augmentation de 28%. En somme, un impressionnant total de 2,7 millions de Canadiens non francophones parlaient la langue de Molière lors de la dernière enquête des ménages. Vu qu'on est 400 000 Anglos bilingues au Québec, il y en a, semble-t-il, dans le reste du pays!

Mais le chiffre qui nous parle le plus est celui qui dénombre plus de 10 millions de francophiles à travers ce grand pays qu'est le Canada, tous chiffres confondus.

Considérant que la langue française se répand progressivement à travers le monde, le temps est opportun pour adopter un discours solidaire, optimiste et efficace dans notre rôle en tant que pays francophone. Une étude récente de la banque Natixis avance même qu'à l'échelle mondiale, les francophones seraient possiblement plus nombreux que les anglophones et les Chinois de langue maternelle d'ici 2050. Ainsi, le français pourrait devenir la première langue parlée dans le monde, notamment en raison de la croissance démographique de l'Afrique.

Plutôt que de nous rendre faibles et vulnérables, la croissance du français ne nous présente-t-elle pas toutes sortes d'occasions sans précédent? Ne faudrait-il pas surtout mettre en avant l'opportunité que représente cette croissance tout en se positionnant comme promoteur de la langue française, plutôt que comme détracteur de l'anglais?

Certes, le Canada est un pays bilingue, mais il est aussi francophone que le sirop est sucré. En tant que société, on a le devoir de se poser les bonnes questions afin de bénéficier de notre croissance linguistique, de renforcer le français dans nos institutions, d'investir dans l'éducation postsecondaire de langue française et de mettre notre expertise francophone au profit de tous.

Tous les Canadiens, qu'ils soient francophones, francophiles ou en apprentissage, ont une occasion en or de se servir du français pour enrichir le monde économiquement, socialement et culturellement. Mais d'abord, arrêtons les chicanes, mettons de côté nos insécurités: le français est notre force, et surtout notre avenir.