Il n'y a pas lieu pour nos leaders fédéraux de se réjouir davantage et plus longtemps de la victoire éclatante des libéraux au Québec.

Les Québécois viennent de dire aux leaders souverainistes qu'ils craignaient de se faire entraîner sur le chemin d'un autre référendum. D'ailleurs, à voir l'empressement de trois grandes vedettes du PQ réclamer, au soir même de cette cuisante défaite, leur volonté de se donner un pays, on doit admettre que les Québécois ont probablement eu raison de se méfier des promesses voulant qu'il n'y aurait peut-être pas de référendum dans un prochain mandat péquiste majoritaire.

Mais il reste que les chefs de parti fédéralistes ont maintenant le devoir impérieux de démontrer aux Québécois, et à tous les Canadiens, que ce pays peut et veut faire en sorte que tous les francophones se sentent «chez eux» partout dans ce grand pays qu'est le Canada.

Bien sûr, tout individu se sentira un peu moins ou pas du tout «chez eux», même parmi des gens qui parlent la même langue, s'il se trouve dans une ville qu'il ne connaît pas ou dans un pays lointain. De même qu'un Canadien de l'Ouest ou de l'Est du pays pourrait se sentir étranger à Toronto presque autant qu'à Montréal.

Mais se sentir accueilli et bienvenu comporte une autre dimension. Au Canada, ce devrait être de sentir et de constater que les institutions autant que les individus font sérieusement l'effort, en y mettant les moyens financiers et techniques, pour que chaque citoyen francophone trouve facilement à être compris, accepté et valorisé à la grandeur de ce pays. Il faut que ce soit une priorité politique et budgétaire. Si nos leaders sont sérieux, je crois que c'est faisable.

Il ne faut pas que ce ne soit que des promesses et des gesticulations. Il se peut bien que Stephen Harper ait de grandes difficultés à faire bouger son équipe dans le sens d'une ouverture sincère et permanente au fait français à la culture, qui bouillonne au Québec, et au bilinguisme généreux dans toutes les institutions canadiennes.

Obligation politique

Mais les Thomas Mulcair et surtout les Justin Trudeau ont l'obligation de prendre le risque politique - car tous les Canadiens ne seront pas spontanément d'accord - de démontrer aux Québécois qu'ils ont raison d'espérer et e croire encore que leurs concitoyens anglophones, allophones, autochtones et inuits sont disposés à partager l'espace physique, culturel et linguistique de la façon la plus généreuse possible.

L'appartenance à la francophonie canadienne, de même qu'à la francophonie internationale, doit devenir un tremplin pour cette ambition légitime partagée par les francophones du Canada et du Québec, soit l'ambition de promouvoir avec succès sa langue, son originalité, sa culture sur une échelle beaucoup plus vaste que le territoire québécois.

On peut sans doute démontrer que le français peut être protégé aussi bien, sinon mieux, par un pays de 35 millions de citoyens qui s'y mettent sérieusement que par un Québec indépendant, dans cette civilisation qui semble faire une place de plus en plus grande à l'anglais et à l'anglicisation.

Il faudrait que, dans un avenir pas très lointain, on entende des Québécois qui clameraient «on veut un pays» en nous disant qu'ils souhaitent vraisemblablement que le Canada devienne vraiment le pays «un peu meilleur que les autres» qui leur permettrait, en toute égalité des chances et des moyens, de lancer les initiatives les plus ambitieuses, d'entreprendre ce qu'ils souhaitent, en somme de réaliser leurs ambitions dans la langue qu'ils maîtrisent le mieux, le français.