Ça y est, nous y sommes. La campagne électorale est officiellement lancée. Comme à chaque élection, les apôtres de la démocratie investiront les médias pour nous chanter les vertus de l'exercice démocratique. Propagande et inepties?

Le peuple gouverne

On vous rappellera d'abord que le pouvoir vous appartient, que c'est le peuple qui gouverne. On négligera cependant de vous préciser qui est ce peuple au pouvoir.

De qui parle-t-on au juste: de la majorité des votants, de la majorité des personnes inscrites sur la liste électorale, de la majorité de la population? Aux élections de 2012, ce sont 31,95% des votants qui ont élu le gouvernement, soit 23,5% des électeurs inscrits et moins de 17,4% de la population du Québec.

Dans le contexte actuel, si c'est le peuple qui gouverne, on peut donc estimer que chaque citoyen du Québec a moins d'une chance sur cinq d'avoir quelque chose à dire sur la future gouvernance du Québec.

Chaque vote compte

On insistera également pour que vous exerciez votre droit de vote: ce dernier pourrait soi-disant faire la différence. La réalité, c'est que vous avez plus de chances de remporter la loterie 6/49 que d'influencer le résultat de l'élection.

Aux dernières élections, il y avait près de 6 millions de personnes inscrites sur la liste électorale. Ainsi, votre vote ne représentait que 0,000016% de l'électorat.

Imaginez maintenant qu'on veuille calculer la probabilité que votre vote décide du vainqueur de la prochaine élection, et ce, en tenant compte du fait que vous votez dans plusieurs circonscriptions électorales et que vous devez choisir entre plusieurs partis politiques. Comme l'ont montré des économistes, cette probabilité est pratiquement de zéro.

Le peuple ne se trompe pas

Évidemment, on vous dira que tout ça n'a pas d'importance puisque la démocratie est garante de paix, de justice sociale et un gage de prospérité collective. Chaque élection permettrait d'apporter une solution à tous nos maux sociaux: l'élection salvatrice quoi!

C'est dans cette illusion que les partis politiques puisent leur légitimité de se lancer en campagne électorale en promettant le bonheur des uns aux dépens des autres. Chacun aspire à remporter l'élection en faisant miroiter des avantages particuliers à un groupe d'électeurs. Des promesses dont les coûts seront inévitablement assumés par l'ensemble de la collectivité.

Comme si l'élection permettait aux politiciens de dépenser sans compter, de réglementer votre vie et même de restreindre vos droits et libertés individuelles si cela peut aider à leur réélection.

Soyons réalistes, les élections nous appauvrissent collectivement et elles confèrent des allures de légitimité et de respectabilité à des gouvernements représentant une frange négligeable de la population.

Plutôt que de s'épancher sur les vertus de l'exercice démocratique, ne serait-il pas préférable de baliser le pouvoir politique et de revoir nos règles de décisions collectives?

On pourrait, par exemple, empêcher ces gouvernements majoritaires élus avec une minorité des suffrages exprimés de gérer le Québec comme s'il s'agissait de leur propriété. Il suffirait d'exiger des majorités qualifiées (ex. 60% des voix à l'Assemblée nationale) pour les décisions d'importance.

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D'ici là, l'élection d'avril ne risque pas d'être très différente des précédentes. Chacun des partis en lice poursuivra la victoire pour pourvoir au bien-être de son peuple: les moins de 20% de la population qui auront voté pour lui.