En campagne électorale, il y a moins de deux ans, vous aviez pris l'engagement que chaque Québécois ait accès à un médecin de famille à l'intérieur d'un premier mandat du Parti québécois.

À la veille d'une probable nouvelle campagne, il est difficile de mesurer le succès de votre ambitieux programme sur la base de statistiques précises. En revanche, je peux témoigner de votre échec dans le cas de ma mère, qui se retrouve privée de médecin et empêtrée dans un dédale sans fin que votre ministère semble rendre plus compliqué chaque mois.

À 76 ans, ma mère a besoin d'un suivi médical assidu, surtout à la suite d'une crise d'angine qui a nécessité une intervention chirurgicale il y a trois ans. Depuis, elle doit prendre quotidiennement six médicaments, dont certains causent des inconvénients importants.

En mars dernier, son médecin a dû annuler un premier rendez-vous pour des raisons de santé (celle du médecin). Depuis, deux autres rendez-vous ont été reportés pour les mêmes motifs. En décembre, sa clinique médicale lui a même suggéré de prendre un nouveau médecin, sans même qu'on lui propose quelque option. Ses tentatives subséquentes pour entrer en contact avec son médecin se sont heurtées à un répondeur qui ne prend pas de message.

Ma mère s'est donc adressée au CLSC pour qu'on lui réfère un nouveau médecin. On lui a simplement répondu qu'on ne peut accéder à sa demande, puisqu'elle est toujours la cliente d'un médecin considéré comme actif dans les dossiers du Ministère. Depuis, la pharmacienne de ma mère a pris l'initiative de changer le dosage de ses médicaments afin de réduire les effets secondaires. Mais certaines prescriptions tombent à échéance dans les prochaines semaines et il faudra trouver une solution durable. Les urgences? Le privé? La salle d'attente avec un médecin différent chaque fois?

Avec ses artères qui ont tendance à s'obstruer, ses antécédents familiaux d'hypertension et d'hypercholestérolémie, avec des chutes de pression régulières à la veille de ses 77 ans, si notre mère est incapable d'obtenir un suivi médical par un médecin, comment espérez-vous couvrir l'ensemble du Québec, M. Hébert?

De la fenêtre de sa chambre, dans l'arrondissement de Fleurimont, ma mère voit bien les bâtiments du CHUS et ses satellites qui ont poussé tout autour depuis une trentaine d'années. À l'intérieur, il doit bien y avoir 200 ou 300 médecins, sans doute plus, dont plusieurs gagnent des prix prestigieux. Mais à quoi servent toutes ces installations, ces appareils coûteux, ces compétences extraordinaires et ces travaux de recherche si une personne qui a besoin de soins est incapable de rencontrer un médecin?

Engagement peu réaliste

Ma mère a tout fait pour éviter de se retrouver à la merci des médecins. Elle a soigneusement dosé son alimentation afin de maintenir un poids santé. Active toute sa vie, elle continue de marcher quotidiennement ses deux kilomètres, quand son souffle le lui permet, évidemment! Elle n'a jamais fumé, n'a jamais commis le moindre excès d'alcool et a toujours maintenu une hygiène de vie exemplaire.

Vous qui favorisez une prise en charge des citoyens sur leur santé et préconisez l'accessibilité des services dans le milieu de vie du bénéficiaire plutôt que l'institutionnalisation, comment pouvez-vous tolérer que votre système de santé cynique abandonne de la sorte une personne de votre propre circonscription?

Je ne mets pas en doute la sincérité de votre noble engagement, M. Hébert, mais je commence à m'interroger sérieusement sur son caractère réaliste. Il m'arrive même de penser que la perspective que chaque Québécois ait un médecin de famille a surtout servi de levier électoral.

À la veille d'un nouvel appel aux urnes, il serait franchement inélégant de répéter pareille promesse.