La Commission des droits de la personne et le Barreau du Québec se sont prononcés publiquement sur la Charte de la laïcité. Selon eux, la Charte va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, ces deux importants organismes errent grandement en mettant la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire les droits devant les valeurs.

Quelqu'un devrait expliquer à ces deux associations que, dans une démocratie, les lois servent à défendre les grandes valeurs qu'un peuple se donne pour orienter la vie personnelle et collective de ses membres et non le contraire. Les lois actuelles ne doivent pas servir de frein aux nouveaux consensus sociaux autour des valeurs telles que l'égalité, la liberté et la laïcité afin qu'elles respectent toujours davantage la dignité humaine.

Ces gens semblent ignorer le premier point de la Déclaration universelle des droits de l'homme: «Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde».

Ils semblent également ignorer que les trois premiers points de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec avancent que «... tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité» et «que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement».

Ces textes sont très explicites. Ils placent les valeurs avant les lois. Toute vie humaine est une valeur intrinsèque absolue parce qu'elle est, de nature, une fin en soi et pour soi, donc à soi-même sa valeur suprême. Or, ce qui est à soi-même sa valeur absolue est sacré, digne d'un respect absolu et inconditionnel. Voilà pourquoi la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec sont fondées sur la primauté de l'humain; c'est-à-dire sur la dignité absolue intrinsèque à toute vie humaine.

Malheureusement, les humains n'ont pas encore fondé la dignité humaine sur une conception naturelle, rationnelle et scientifique de leur commune nature et ses exigences de bon développement et de bon fonctionnement dans ses nombreux rapports. C'est pourquoi l'humanité n'a pas encore élaboré une charte universelle des valeurs, seule capable de justifier nos chartes des droits et des responsabilités. Sans une telle charte, l'émancipation et le rapprochement des humains sont impensables.

Faute d'une charte universelle des valeurs, les élus ont été obligés d'établir des lois selon leur conscience personnelle fortement influencée par leur culture, et parfois par leurs intérêts personnels et corporatistes. Plus important encore, la Charte canadienne est fondée sur la suprématie de Dieu et la primauté du droit. Une telle charte sera toujours irréconciliable avec une charte fondée sur la dignité et la primauté de l'humain.

La justice devrait n'avoir qu'un but: faire respecter, par l'intermédiaire des lois, les valeurs qui respectent la dignité humaine. Comme la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas fondée sur la dignité humaine, il est tout à fait normal qu'elle ne reconnaisse pas une future Charte de la laïcité, qui n'est qu'une caractéristique essentielle d'un gouvernement démocratique fondé sur l'humain, par l'humain et pour l'humain.

Voilà pourquoi le gouvernement du Québec aura non seulement le droit, mais l'obligation morale, de recourir à la clause nonobstant pour respecter la volonté du peuple s'il se prononce démocratiquement en faveur de la Charte de la laïcité.