Dans un article publié dans ce journal à propos de la tragédie du Lac Mégantic («Les raisons profondes», 12 juillet 2013), je faisais état de lacunes certaines dans la gestion des risques reliés au transport ferroviaire de matières dangereuses.

Aujourd'hui, dans un autre secteur d'activités humaines, une autre tragédie est survenue et il est fort possible que d'autres tragédies du même genre se produisent, comme ce fut le cas par le passé.

Aux États-Unis, un éminent spécialiste de la gestion des risques, Gordon Graham, a mis au point une grille d'analyse pour évaluer la gravité d'un risque et les actions qui doivent être prises pour en réduire l'occurrence. Il ressort de son analyse que les risques contre lesquels on se doit impérativement de prendre des actions fermes sont ceux qui sont très peu probables de se produire, mais qui, s'ils se produisent, auront des conséquences désastreuses.

Il donne l'exemple d'un incendie dans un sous-marin atomique. Les probabilités qu'un incendie éclate dans un sous-marin atomique sont faibles, compte tenu des mesures prises pour contrer les risques d'incendie. Toutefois, compte tenu des conséquences catastrophiques qui pourraient s'en suivre, l'équipage s'entraîne chaque jour, pour éviter le pire.

Pour cet expert, les risques dont on doit se prémunir sont surtout ceux qui sont peu fréquents, dont les conséquences peuvent être désastreuses et où le temps de réflexion pour agir est pratiquement nul. Pour les risques très fréquents avec des conséquences négligeables, des efforts doivent être faits pour les réduire, mais le gros des énergies doit porter sur les risques à basse probabilité, mais à haute conséquence.

On ignore les causes de l'incendie de L'Isle-Verte. Ce que l'on sait, c'est que plusieurs personnes y ont malheureusement perdu la vie. La tragédie aurait-elle pu être évitée? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais la présence de gicleurs aurait peut-être pu faire une différence.

Éviter la répétition

Maintenant que le pire n'a pu être évité, on se demande ce qu'il faudrait faire pour éviter sa répétition. Le manque de clairvoyance de certains responsables de la sécurité d'autrui et la procrastination de ceux-ci dans l'implantation de mesures correctrices appropriées dès lors qu'un problème est identifié semblent être en cause. Pourquoi faut-il attendre qu'une tragédie arrive pour réagir? Pourquoi ne pas agir avant que la tragédie ne survienne? Mystère et boule de gomme? Non.

Ce qui nous manque, bon an, mal an, ce n'est pas uniquement une culture de la sécurité, mais un état d'esprit tel que, dès lors qu'un danger est identifié, on y remédie immédiatement. Qu'on n'attende pas qu'il se concrétise pour agir.

Une réfection sérieuse et profonde s'impose sur notre gestion des risques, quel que soit le domaine d'activités humaines. Pour l'heure, nos prières vont à ceux et celles qui ont péri, les membres de leur famille, tout le personnel d'urgence accouru sur les lieux et toute la petite communauté de L'Isle-Verte.