Je n'étais pas au monde quand John F. Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas, au Texas. Mon père, alors étudiant à l'École Polytechnique, a regardé les reportages annonçant sa mort dans un salon étudiant. Il m'a souvent rappelé à quel point cette tragédie avait touché les gens autour de lui.

Adolescent, quand j'ai commencé à m'intéresser à la politique, j'ai lu et relu les discours de Kennedy. Bien que mes opinions politiques étaient encore très embryonnaires et que ma maitrise de la langue anglaise était pour le moins élémentaire, les discours de Kennedy m'ont interpellé. Je réalise aujourd'hui l'effet qu'ils ont eu sur ma conception de la politique, du rôle de l'État et des responsabilités civiques qui nous incombent comme citoyens.

Il y a pour moi deux discours marquants dans la carrière politique du président Kennedy. Son discours d'investiture à la convention démocrate de 1960 (A New Frontier), et son discours inaugural de janvier 1961 (The torch has been passed to a new generation of Americans) sont pour moi les deux textes qui incarnent et qui expliquent l'ascendant que Kennedy a eu sur ses contemporains.

Pourquoi parlons-nous encore de ces discours aujourd'hui, cinquante ans après le décès de Kennedy?

Indubitablement, c'est parce qu'ils ont réussi à évoquer des idéaux nobles auxquels nous ne voulons pas renoncer: la poursuite d'une plus grande égalité entre les citoyens, la valeur du service public, la civilité dans le discours politique, la citoyenneté et ce qu'elle requiert de chacun d'entre nous. Le génie de Kennedy, c'est d'avoir réussi à élever le discours politique de la manière la plus noble qui soit: en faisant appel au meilleur d'entre nous.

Mais le legs de Kennedy ne se limite pas à la prose de ses discours. Il a misé sur la diplomatie pour éviter une attaque nucléaire et apaiser les tensions inhérentes à la guerre froide, il a fait la promotion et a mis en oeuvre des lois progressistes en matière de droits de l'homme, il s'est servi de l'État pour mieux redistribuer la richesse et il a présidé le programme spatial qui a propulsé un Américain sur la Lune.

De toute évidence, le bilan du président Kennedy comporte aussi son lot de ratés. L'épisode de la Baie des Cochons à Cuba a été un fiasco. Sa politique d'éradication du communisme au Vietnam a mené à un enlisement militaire et à la perte de milliers de vies. L'homme n'avait pas que des qualités.

JFK a été le premier président de l'ère moderne. Charismatique et éloquent, il a certainement contribué à renforcer le pouvoir de l'image en politique. Il a gagné le coeur des Américains quand il a fait face à Richard Nixon lors du premier débat présidentiel présenté à la télévision.

Depuis sa mort, nous n'avons cessé d'idéaliser sa présidence et ce qu'elle a représenté pour toute une génération qui a cru à des changements profonds. Nous avons vu et revu l'image de son jeune fils John qui l'a salué une dernière fois dans un moment empreint d'émotion. Cinquante ans plus tard, Kennedy nous habite toujours. Non seulement pour les idéaux qu'il a réussi à incarner, mais pour le mythe perpétuel que sa mort tragique a provoqué.