Avec tout le poids de son unanimité, la Cour d'appel vient d'ordonner la tenue d'un nouveau procès pour Guy Turcotte. À cette annonce, un grand soupir de soulagement collectif a été poussé et un vent d'espoir a soufflé devant la perspective de cet éventuel recommencement. Notre système de justice, aussi imparfait soit-il, a retrouvé certaines de ses lettres de noblesse égarées dans la tourmente.

Si la décision d'en appeler du verdict prononcé le 5 juillet 2011 appartenait à la Couronne et non à Isabelle Gaston, il n'en demeure pas moins que le jugement de la Cour d'appel reste indissociable des inépuisables croisades menées par cette courageuse femme. 

Isabelle Gaston est entrée dans nos vies par un soir d'hiver 2009, alors que les pensées du Québec entier se sont tournées vers la mère de deux petits êtres tués dans la souffrance et la violence. Nous nous sommes recueillis en étreignant avec émotion nos propres enfants et nous avons été bouleversés par ses paroles de mère, publiées dans les jours suivant le drame: «Je suis chanceuse d'avoir été choisie pour être votre maman car vous étiez exceptionnels. J'ai expérimenté, j'ai pleuré, j'ai ri, j'ai voulu à l'occasion démissionner car avouons-le... c'est pas toujours facile d'être parent. Je vous aime et souffre de votre départ. Je garde dans mon coeur l'intensité de vos personnalités et la douceur de vos câlins et bisous».

Personne ne lui aurait reproché de s'isoler pour pleurer la chair de sa chair. Pourtant, depuis le tragique décès de ses enfants, Isabelle Gaston a été de toutes les tribunes pour dénoncer le verdict du jury, la commercialisation des témoins experts, les décisions de la Commission d'examen des troubles mentaux et les règles de l'Indemnisation des victimes d'acte scriminels (IVAC). Et jamais, elle n'a cessé de nous impressionner par la clarté de ses propos, la solidité de ses positions, sa ténacité et sa résilience.

Certains ont dit des sorties publiques d'Isabelle Gaston qu'elles n'étaient qu'une façon d'assouvir son désir de vengeance et d'engourdir sa peine. Je suis pour ma part convaincue que ses démarches n'ont pas été vaines et que grâce à sa voix, des demandes ont été entendues. N'eût été de sa pétition de 39 000 noms recueillis en février 2012 et de son intervention en commission parlementaire, les critères d'admissibilité à l'IVAC n'auraient probablement pas été élargis.

De même, l'Association des médecins psychiatres du Québec a récemment abondé dans le même sens qu'Isabelle Gaston sur la question de la commercialisation des experts. La présidente de cette association, Dr Karine Igartua, a en effet condamné le témoignage d'un de ses membres, Dr Gérard Leblanc, expert retenu par la défense dans le procès des pères rédemptoristes, qui a émis l'opinion que la relation d'abus entre l'accusé et sa victime avait pu être «bénéfique» pour cette dernière. Au passage, Dr Igartua a réclamé une réforme afin de mieux encadrer les témoins experts au motif que les règles actuelles soulèvent des doutes quant à leur impartialité.

Tout est maintenant à redire, à réécrire et à revivre pour Isabelle Gaston. Au nom de ses enfants, elle affrontera cette étape avec un courage et une détermination renouvelés, portée par la force et la puissance de l'amour maternel. Pour cela, et pour les batailles qu'elle mène avec une remarquable dignité et qui laissent leur trace dans l'Histoire, Isabelle Gaston mérite notre plus grand respect.