«Je ne voudrais pas qu'un homosexuel enseigne à mon fils. Je ne voudrais surtout pas qu'un homosexuel soit son éducateur à la garderie. Soyons clairs: je ne suis pas homophobe. Mais je ne souhaiterais pas qu'il influence mon enfant et le pousse vers l'homosexualité. Je n'ai rien contre les homosexuels, mais qu'ils fassent ce qu'ils veulent chez eux, dans leur chambre. Si jamais ils veulent des jobs avec les enfants, il faudrait qu'ils s'engagent, seulement pendant la durée de leur quart de travail, à ne pas nous imposer leur homosexualité. Je veux dire, qu'ils ne portent pas de chandails roses, de V-neck, de pantalons arc-en-ciel.»

«Je ne voudrais pas non plus qu'une femme voilée enseigne à ma fille. Je ne voudrais surtout pas qu'elle soit son éducatrice de garderie. Soyons clairs: je ne suis pas raciste, encore moins islamophobe. Mais je ne souhaiterais pas qu'elles influencent ma fille, qu'elles lui donnent le modèle d'une femme soumise, qu'elles lui apprennent à baisser les yeux. Je n'ai rien contre les musulmans, mais qu'ils pratiquent leur religion chez eux, en privé, dans leur salon. Je suis même prêt à accepter que des musulmanes travaillent avec nos enfants. Mais il faudrait qu'elles s'engagent à laisser leur foulard au vestiaire, seulement pour la durée de leur quart de travail.»

Sur le fond, existe-t-il une différence entre la première et la deuxième affirmation? Depuis la publication du projet de charte des valeurs du ministre Bernard Drainville, il demeure inacceptable d'affirmer publiquement son homophobie. Par contre, il est devenu acceptable d'affirmer candidement son islamophobie, ce que certaines Janettes ne sont pas gênées de faire. 

Le présent débat rappelle l'importance cruciale des instruments de protection des droits fondamentaux des minorités. À l'heure actuelle, les droits fondamentaux sont tous égaux entre eux, justement pour éviter que la majorité n'impose aux minorités une façon de vivre sa religion, sa sexualité, son identité. 

En hiérarchisant des droits comme le propose M. Drainville, on ne peut que déconsidérer les droits des minorités ainsi relégués au second plan. Ainsi, on ouvre tout grand la porte à la discrimination.

Il est très rare que les minorités, lorsqu'elles affichent au grand jour leur différence, obtiennent l'appui indéfectible des majorités. Et ce, même si le fait de s'afficher en tant qu'individu ne veut pas dire imposer aux autres son homosexualité ou sa religion. 

Conscients des dérapages historiques survenus lorsque les majorités ont tenté d'imposer une homogénéité raciale, sociale, religieuse ou culturelle, nous nous sommes dotés de chartes des droits dans la deuxième moitié du vingtième siècle. 

Ces chartes visent à protéger les minorités de la discrimination issue du malaise issu de l'exposition à la différence. C'est ce sentiment instinctif de malaise qui entraîne à terme l'exclusion et la discrimination. Pour contrer ce phénomène, la protection contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle ou l'appartenance à une religion est reconnue comme un droit fondamental.

Soyons vigilants. Nous avons mis des milliers d'années à nous doter de droits fondamentaux nous protégeant d'éventuelles dérives gouvernementales. Que nous soyons francophone, handicapé, homosexuel, noir, juif ou musulman, nous sommes tous la minorité de quelqu'un d'autre. 

Permettre à un gouvernement de retirer des droits fondamentaux à certains citoyens revient à affaiblir la protection dont jouissent tous les citoyens. Malgré tout ce que ce terme a de galvaudé, la présente lutte contre la charte des valeurs est un authentique combat pour la liberté. Il est temps de choisir son camp.