Chère Janette, vous me rappelez ma mère de 83 ans qui suivait la commission Bouchard-Taylor en 2007. Ma mère qui a été obligée de porter la mantille à la messe quand elle était jeune parce qu'elle devait avoir sur la tête une marque de l'autorité masculine dont elle dépendait. Ma mère qui n'arrivait pas à croire que nous avions déjà oublié les luttes, pourtant récentes, menées par les femmes du Québec pour acquérir l'égalité entre conjoints... reconnue en 1981! Ma mère qui a suivi des cours de préparation au mariage dispensés par des religieuses catholiques qui lui ont enseigné le devoir d'obéissance envers son mari. Ma mère qui s'est vue refuser l'absolution par le curé soi-disant parce qu'elle «empêchait la famille» quelques semaines après son premier accouchement.

Égalité chèrement acquise

Chère Janette, vous me rappelez ma mère de 83 ans qui suivait la commission Bouchard-Taylor en 2007. Ma mère qui a été obligée de porter la mantille à la messe quand elle était jeune parce qu'elle devait avoir sur la tête une marque de l'autorité masculine dont elle dépendait. Ma mère qui n'arrivait pas à croire que nous avions déjà oublié les luttes, pourtant récentes, menées par les femmes du Québec pour acquérir l'égalité entre conjoints... reconnue en 1981! Ma mère qui a suivi des cours de préparation au mariage dispensés par des religieuses catholiques qui lui ont enseigné le devoir d'obéissance envers son mari. Ma mère qui s'est vue refuser l'absolution par le curé soi-disant parce qu'elle «empêchait la famille» quelques semaines après son premier accouchement.

Pour elle, le port du voile dont on parlait à la commission Bouchard-Taylor, c'était un recul inacceptable, une régression. C'était un retour à la mantille, un retour à la Grande Noirceur, à l'époque où la religion catholique et le clergé dominaient les femmes.

Oui, Janette, vous faites bien de me rafraichir la mémoire! Je dois me souvenir des luttes pas si lointaines de nos mères. C'est à elles que je dois cette autonomie et cette indépendance dont je suis si fière! Et je souscris à la charte de la laïcité, parce que je tiens à ce que les employés de l'État soient à l'image de nos valeurs d'égalité et d'équité entre les hommes et les femmes.

Janette, je signe à vos côtés.

Véronique Bock, Syndicaliste, mère de deux enfants

Des attentes irréalistes

Mme Bertrand, j'hésite à écrire ces lignes parce que je vous ai toujours admirée pour les causes que vous avez défendues, dont entre autres, l'égalité homme-femme. Votre mot sur la charte me gêne un peu. Certes, je suis d'accord avec vous concernant le sexisme profond de toutes les religions, mais la solution ne peut être d'interdire toutes les religions en sol québécois. 

Là où je ne peux vous suivre, c'est sur la crainte sous-jacente du danger de l'Islam au Québec. Le temps est un facteur important à considérer. Il a fallu combien de temps aux femmes du Québec pour atteindre une certaine égalité avec les hommes? De nombreuses années, et le travail n'est pas terminé. On voudrait maintenant que des femmes ayant des traditions et une culture différentes fassent un saut spectaculaire dans le temps pour vous rejoindre. Pour nous rejoindre. Ce n'est pas réaliste.

La plupart des femmes qui portent le voile sont ici depuis peu. Qu'on leur permette d'abord de s'intégrer, donc de travailler, et le voile tombera. Peut-être pas le leur, mais celui de leurs filles. Qu'on leur permette de s'intégrer et leurs filles trouveront des maris moins dominants, moins machos. Même le rigorisme religieux s'estompera.

Une charte qui encadre les accommodements, c'est très important. Une charte qui affirme (de façon cohérente) la laïcité de l'état, c'est essentiel. Une charte qui vise, d'abord et avant tout, quelques femmes nouvellement arrivées au Québec et qui portent le voile, ce n'est pas une charte pour les femmes, c'est une charte discriminatoire et contreproductive.

Pierre Cadieux

Cela va trop loin !

S'opposer à la charte des valeurs québécoises, oui. Être hostile à l'idée de voile, encore d'accord. Mais qualifier les femmes musulmanes (voilées) de folles, c'est un non catégorique. Cela va trop loin. Je n'arrivais pas à en croire mes oreilles lorsque Denise Filiatrault a fait cette déclaration à l'émission de Paul Arcand. Nous n'avons jamais accepté qu'un individu tienne des propos racistes, antisémites, homophobes ou sexistes, mais des propos islamophobes, on laisse passer cela, comme si c'était correct. Je refuse.

Mme Filiatrault, les femmes qui prennent la décision de porter le voile sont conscientes et saines d'esprit: à moins qu'elle n'ait des preuves du contraire... mais lancer de telles affirmations, sans aucun argument valable, est non seulement une offense envers ces femmes, mais également une offense envers la féministe qu'elle est. Le féminisme se définit par la reconnaissance des différentes formes d'injustice et d'oppression que subissent les femmes du monde et la recherche de solutions, pas par l'exclusion de femmes aux pratiques différentes des nôtres et leur soumission à un moule préparé à l'avance, moule auquel on a attribué le nom «neutralité de l'État» ces dernières semaines.

Je suis, tout comme Janette Bertrand, une militante ardue pour l'égalité entre hommes et femmes, mais je ne peux m'empêcher de souligner que le droit de vote dont elle parle est accordé aux femmes musulmanes depuis longtemps. L'islam, aussi intégriste et aussi injuste qu'il est souvent décrit, a accordé ce droit aux femmes avant même que cette idée n'arrive au Québec.

Rima Demanins, étudiante

Merci aux Janettes

Bravo et merci aux Janettes, enfin une prise de conscience féministe et laïque. Mes croyances et mes convictions sont bafouées au quotidien. Ces croyances, j'en suis convaincue, sont partagées par un grand nombre de mes compatriotes et se résument par les deux énoncés suivants: la femme est l'égale de l'homme; nous vivons dans une société laïque. Quoi qu'on en dise, une femme voilée est et sera toujours le symbole de croyances qui font de la femme un citoyen de seconde zone. 

Il y a 25 ans, je me portais allègrement à la défense des femmes qui portaient le voile. Nous étions plusieurs à défendre l'idée qu'il ne s'agissait, pour ces femmes, que d'une période d'adaptation et qu'avec l'intégration on verrait rapidement disparaître cette coutume d'un autre temps. Force est de constater, 25 ans plus tard, que ce n'est pas le cas. La présence de femmes voilées va en augmentant. J'aimerais, sans être targuée d'intolérance, dire à toutes ces femmes qui affirment porter le voile par choix que leur «choix» est un affront et une démonstration de mépris pour toutes les femmes qui se sont battues pour leur droit à l'égalité.

Andrée Samson, Lévis

Vaut mieux Malala

Je préfère Malala qui porte le voile et qui lutte pour l'éducation pour filles aux femmes obsédées par les concours de Mini-Miss, par la chirurgie esthétique qui deviennent leur Dieu. Pourquoi cibler les musulmanes d'origine arabe? Quel est le lien entre la Charte des valeurs québécoises et la relation «dominant-dominée» entre hommes et femmes? Mme Bertrand, votre argument est simpliste: la religion est créée par l'homme, donc la femme doit nier l'existence de Dieu et la religion, pour être libre. Vous tombez ainsi dans une autre forme de Dieu, «l'athéisme féministe». Vous avez mentionné la douleur des Québécoises sous le contrôle de l'Église. D'accord, mais vous devez parler aussi du rôle important des religieuses dans la société québécoise. Également, coller l'étiquette «folle» sur le front de la femme me fait penser aux discours du Moyen Âge.

Thuan Nguyen