L'affaire Duchesneau-Boisclair contient tous les éléments d'un viol de réputation. Car il s'agit bien ici d'un viol. Sous le prétexte du droit à l'information et de l'intérêt public, on utilise le tribunal de l'opinion publique pour juger quelqu'un en le déclarant coupable par association.

Cette méthode de discrédit public atteint présentement des sommets grâce aux déclarations obtenues lors d'un témoignage devant la commission Charbonneau. Ainsi, André Boisclair, ex-ministre péquiste qui vient de quitter temporairement son poste de délégué du Québec à New York, serait coupable par association, selon le député caquiste Jacques Duchesneau, d'avoir octroyé une subvention à son ami entrepreneur Paul Sauvé qui, par une malheureuse coïncidence, a subi par la suite l'infiltration du crime organisé. Les Hells Angels, dont la réputation n'est plus à faire, font leur pain et leur beurre avec le trafic de la drogue et, notamment, de la cocaïne. Une substance que, par une autre coïncidence, André Boisclair a consommée jadis, de son propre aveu.

Donc, selon M. Duchesneau, il suffirait d'associer ces coïncidences pour prétendre qu'André Boisclair est suspect par association, en laissant entendre que l'ex-ministre aurait pu acheter sa cocaïne auprès du groupe de motards, qui l'aurait peut-être par la suite fait chanter pour qu'il octroie la subvention à son ami Paul Sauvé. Il s'agirait là d'une méthode inspirée de la théorie des dominos: un événement en entraînerait forcément un autre.

Mais pour Jacques Duchesneau, l'important n'est pas de prouver les liens entre les événements, mais plutôt de projeter une image négative de M. Boisclair et de ternir par ricochet la réputation du gouvernement. Le mal est fait. Puisque nous vivons dans un monde de perception, Jacques Duchesneau compte sur la couverture négative des médias pour nuire davantage à la réputation du Parti québécois que de celle d'André Boisclair, qui sert avant tout de bouc émissaire dans toute cette histoire.

Quand une réputation est violée, le temps joue contre celui qui subit les attaques. La mise en demeure et la poursuite judiciaire d'André Boisclair contre Jacques Duchesneau ne pourront à court terme rétablir ni la réputation de M. Boisclair, ni celle du gouvernement.

On peut se questionner sur le bon jugement politique du député Jacques Duchesneau. Non seulement sa sortie publique a terni une réputation, sans preuves qui appuient les faits allégués, mais aussi, et surtout, M. Duchesneau a failli au niveau de sa compétence éthique. En politique, il y a un «savoir-être» qui requiert un minimum de respect face à ses adversaires. Jacques Duchesneau a transgressé cette règle non écrite.

Ses attaques contre André Boisclair sont-elles guidées par un calcul et une stratégie bassement partisans afin de faire remonter la CAQ dans les sondages? «L'Eliot Ness» québécois à l'origine de la commission Charbonneau perdra-t-il sa crédibilité dans cette affaire à long terme? En tous cas, cela en dit long sur ses capacités à gérer un ministère de la Sécurité publique et à gouverner.

J'ai froid dans le dos en pensant qu'il pourrait éventuellement abuser de ses pouvoirs de ministre pour provoquer une chasse aux sorcières, ou pire encore agir en déclenchant arbitrairement des enquêtes fortuites qui pourraient détruire à jamais les réputations de gens honnêtes, mais qui ont le malheur de ne pas partager son point de vue politique.

Une erreur avouée est vite pardonnée; M. Duchesneau devrait sans tarder s'excuser auprès d'André Boisclair pour ses accusations sans fondement, à moins qu'il ne dévoile publiquement sa preuve.