Le débat public sur la Charte des valeurs québécoises démontre que la complexité du religieux contemporain est méconnue. Les articles de journaux et les discours politiques sont fondés sur la conviction que les religions ne sont que vectrices d'inégalités femme-homme.

Depuis une cinquantaine d'années, les traditions religieuses sont en continuelles mutations. Des enjeux sociaux et religieux internes et externes les obligent à se repositionner continuellement sur la question de l'égalité. Au niveau interne, les théologiennes féministes, à partir du prisme de l'égalité des genres, ont fait un travail systématique de déconstruction, reconstruction des traditions. Elles ont obligé les instances religieuses à se positionner sur la question de l'égalité des sexes.

Aujourd'hui, les traditions religieuses sont déterminées par plusieurs courants qui vont de l'extrémisme, au conservatisme et au libéral. Ces courants se positionnent de façon différente sur la question de l'égalité à l'intérieur de leurs structures et dans la vie sociale. À l'externe, ils sont influencés par les enjeux politiques, historiques, juridiques, internationaux et féministes. 

De plus, chaque adhérente ou adhérent a sa propre perception de l'égalité femme-homme dans sa tradition et dans sa société d'appartenance. Tous ces éléments en interactions influencent la conception de l'égalité femme-homme dans les traditions religieuses. 

Au Québec, les perspectives extrémistes et conservatrices sont fortement dénoncées à l'intérieur même des traditions religieuses.

Il est vrai que les instances catholiques romaines refusent l'ordination sacerdotale aux femmes. Toutefois, elle valorise aussi leur participation dans tous les secteurs de la vie publique. La majorité des catholiques québécois vivent leur catholicité de façon identitaire et libérale.

Le port du voile, trop souvent présenté comme un signe de soumission de la femme à l'homme n'a de sens que pour l'Islam intégriste. Des musulmanes le portent aussi pour une multitude de raisons spirituelles et personnelles.

L'hindouisme, dans son courant brahmique orthodoxe, prône la dépendance de la femme à l'homme. Toutefois, il existe un courant féministe et égalitaire.

Certains courants bouddhistes refusent l'ordination des moniales. D'autres font la promotion de l'égalité des moines et des moniales. Toutefois, peu importe le courant, le bouddhisme ne participe pas aux débats sociaux sur l'inégalité/égalité femme-homme.

Certains courants juifs refusent les femmes au rabbinat. Le judaïsme libéral compte des femmes rabbins. Il fait la promotion de l'égalité des genres dans le judaïsme et la société. Les exemples pourraient être multipliés.

Les symboles religieux portés par les personnes peuvent prendre de multiples significations. Porter une croix, un hijab, une kippa ou un turban n'est pas impérativement la négation de l'État laïc et de l'égalité femme-homme. Soutenir que l'égalité femme-homme et la laïcité étatique passent impérativement par l'interdiction de certains symboles religieux pour les employés de l'État démontre une profonde méconnaissance des mutations du religieux contemporain.

Il faut se réjouir que l'égalité femme-homme et la séparation du religieux et de l'État soient réaffirmées comme fondement de la société québécoise. Toutefois, la laïcité n'est pas le nouvel eldorado de l'égalité des genres. L'histoire du Québec laïc démontre que la laïcité n'est pas garante de l'égalité des genres.

Au Québec, l'égalité femme-homme n'est pas un acquis. La primauté de l'égalité femme-homme dans le cas d'une demande d'accommodement religieux est très louable. Toutefois, les vrais enjeux de l'égalité femme-homme sont dans les structures sociales, politiques et économiques. 

Ces secteurs, comme les religions, sont tous autant des vecteurs d'inégalité et d'égalité. L'éducation des citoyens à l'égalité femme-homme, la laïcité et les devoirs inhérents à liberté religieuse serait beaucoup plus porteuse à long terme. Une société laïque ne se construit pas sur l'interdiction et l'exclusion, mais sur un dialogue permanent et bien éclairé sur ces enjeux fondamentaux.