Je suis né à Montréal en 1942, je suis Québécois, de parents québécois, en ligne directe avec Pierre Tremblay et Ozane Achon qui ont quitté la France pour venir s'établir sur nos rives au début du XVIIe siècle. C'est à cette époque que mes racines se sont développées jusqu'à faire de moi ce que je suis devenu. Je porte en moi la trace qu'y ont laissée tous ceux et celles qui m'ont précédé.

Je suis attaché à mes racines, je ne peux absolument pas en faire abstraction. Ma langue d'origine est le français comme c'était celle de Pierre mon ancêtre et de Laurier mon père. J'ai été élevé, comme Pierre et Laurier, selon les valeurs chrétiennes enseignées à leurs époques respectives.

Même si mon père et moi avons pris nos distances face à cet enseignement religieux souvent inutilement contraignant, il y a encore en chacun de nous, que nous le reconnaissions ou pas, un résidu de valeurs chrétiennes qui font ce que nous sommes et auxquelles nous sommes encore profondément attachés.

Valeurs de liberté de pensée, d'expression de nos opinions et de religion. Valeurs de justice accessible à tous et de la présomption d'innocence. Valeurs de respect de ceux qui nous entourent malgré leurs différences qui parfois nous irritent: tenue vestimentaire, fêtes religieuses, rites religieux. Valeurs de fidélité à l'égard de nos engagements, envers nos proches, nos patrons, nos employés nos institutions et nos concitoyens de toutes races et religions confondues. 

Valeurs de non-violence à l'intérieur d'une société où il faut bon vivre avec tous nos parents, amis, voisins, et tous ceux qui viennent d'ailleurs, qui n'ont pas les mêmes racines que les nôtres. 

Valeurs d'égalité entre hommes et femmes, pauvres et riches, ceux d'ici et ceux d'ailleurs. Valeurs de pardon qui nous fait souhaiter du bien à ceux qui nous ont fait du mal sans entretenir un désir de vengeance. Valeurs de partage qui nous fait accepter que les taxes imposées aux riches permettent aux moins riches de vivre convenablement.

Et enfin la plus grande des valeurs, le cinquième commandement de Dieu: tu ne tueras pas. Ce n'est pas par la violence, la répression ou le terrorisme que nous arriverons à bâtir une société dans laquelle il est possible de vivre en paix et heureux.

Toutes ces valeurs sont valides pour le Québécois pure laine, autant que pour le juif hassidique, le Vietnamien, le Chinois, l'Italien et le Maghrébin, enfin tous ceux dont les racines ne sont pas d'ici et qui ont quand même décidé de venir vivre ici. Elles sont exigeantes autant pour les néo-Québécois que pour les Québécois eux-mêmes. Ce qui est bon pour l'un l'est aussi pour l'autre.

Pour moi, tous les signes extérieurs d'une foi ne sont que des détails auxquels il faut s'habituer: le hidjab, le niqab ou la burqa, le tapis de prière musulman (le sajada), les papillotes des juifs hassidiques ou le turban hindou ne sont que détails auxquels ces gens sont très attachés et qu'il faut leur permettre.

En retour, ces néo-Québécois devront accepter nos églises, nos croix de chemin, celle de l'Assemblée nationale, celle du Mont-Royal, nos prières avant une réunion du conseil municipal, nos arbres de Noël, nos crèches et les mini-jupes de nos filles.

Ne vaut-il pas mieux apprendre à vivre ensemble que de s'entretuer dans les rues comme cela se fait dans certains pays? Pourquoi se battre pour des détails? Allons à l'essentiel, les vraies valeurs, celles qui nous rassemblent plutôt que celles qui nous divisent. Dans une petite communauté comme la nôtre, nous avons tous besoin les uns des autres.