J'ai eu beau relire dans tous les sens possibles le rapport D'Amours savamment intitulé Innover pour pérenniser le système de retraite, nulle part il n'est mentionné que le Québec a deux classes de citoyens eu égard aux régimes de retraite: ceux qui travaillent dans la fonction publique et les autres.

Le rapport identifie et quantifie clairement les deux groupes, sans jamais mentionner que l'intérêt des uns s'oppose à celui des autres.

Dans le coin gauche, ayant accès à un régime de rentes à prestations déterminées (qui ne sera pas influencé par le rendement du véhicule de placement), le secteur public, dont font partie les fonctions publiques du Québec et du Canada, les municipalités, les centres de la petite enfance, les universités, le secteur parapublic (Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ, etc.). Ils sont 866 000 personnes qui, par beau temps ou mauvais temps économique, encaisseront un montant prédéterminé de rente auquel eux et leur employeur auront cotisé. Cela représente 22% de tous les travailleurs québécois.

Dans le coin droit, tous les autres travailleurs, dont une frange de 513 000 personnes qui bénéficient eux aussi d'un régime à prestations déterminées relevant du privé. Ce nombre diminuera avec les années, les employeurs abandonnant de plus en plus ce type de régime dont la crise financière de 2008 a sérieusement mis en doute la solvabilité. À quoi bon promettre une rente, si en fin de compte, l'argent n'y est pas faute de rendement?

Et là, tenez-vous bien: 47% de tous les travailleurs du Québec, soit 1,85 million de personnes, ne mettent pas un traître sou de côté pour leur retraite. Si la tendance se maintient, ils devront se contenter de la maigre pitance de la Régie des rentes du Québec et des régimes fédéraux de la sécurité de la vieillesse et du supplément du revenu garanti. Cela ne leur procurera en moyenne que 38% de leurs revenus alors qu'ils étaient actifs (au lieu des 60 à 70% nécessaire pour maintenir un niveau de vie identique).

Cela signifie que près de la moitié de la population active du Québec se dirige tout droit vers la pauvreté, à moins de mourir rapidement ou de travailler longtemps. C'est dit crûment, mais c'est ce que le rapport D'Amours laisse présager.

Et dire que ces travailleurs cotisent chaque jour pour générer une rente aux 22% des travailleurs du secteur public. Et en cas de déficits des régimes publics, c'est aussi avec leurs impôts qu'on comblera la différence.

Le rapport D'Amours ne fait que perpétuer et protéger les belles pensions dorées de l'apparatchik québécois, quel qu'en soit la couleur ou le palier. Car nos dirigeants de tous les horizons, en bons valets du public, bénéficieront eux aussi de généreuses prestations déterminées indexées au coût de la vie, et parfois transférables au conjoint. Le grand luxe, quoi!