J'oeuvre au sein d'un CHSLD depuis bientôt 30 ans. Qui aurait dit qu'en 1984, j'allais persévérer autant d'années dans un milieu de vie dont les couleurs, les odeurs, l'exiguïté, la morbidité recèlent à la fois profondeur et réflexion?

Ce métier, malheureusement sous-estimé, déplorablement non vénéré, serait pourtant digne que tout bon vivant, dont les années guettent, s'y attarde et s'y inquiète.

Aujourd'hui, s'investir dans un système de santé qui use, qui épuise et qui émousse toutes bonnes intentions d'altruisme, fait naître déception et désenchantement. À quoi bon persister alors? J'explique difficilement cette vocation, ce mouvement intérieur qui se veut si puissant et irrésistible.

En 2013, un aide-soignant qui trime, qui peine, qui s'évertue et qui sue dans un centre de soins de longue durée, voit sa vie ainsi que celle des grabataires qu'il bichonne comme un long chemin, un long parcours sans stop, sans étoile, sans gratitude et sans reconnaissance.

Tous et toutes ne demandent pas plus que tendresse, douceur et humanité. Chacun et chacune veulent vivre avec décence, noblesse et dignité. Mais que reste-t-il? Les journées passent, les années s'effritent et voilà que les cloches sonnent.

Mon CHSLD m'a pourtant permise non seulement de voir les choses différemment, mais de grandir parmi des hommes et des femmes de tout caractère, de tous attributs, de toute nature, de tout style et de toutes griffes. De mon mieux, je les côtoie avec le plus grand respect et la plus grande considération. Cependant, la lourdeur des tâches, la perte grandiose d'autonomie de l'un et de l'autre, des coeurs qui passent dans l'oubli, une certaine insensibilité d'un haut placé, tout ceci font mal à l'altruiste qui sacrifie sa vie dans des peines secrètes. Pis encore, tout cela peut compromettre l'avenir d'un jeunet à ses premiers balbutiements.

Oui, en 2013, oeuvrer dans les CHSLD exige patience, courage et sang-froid.

Cher lecteur et lectrice, peut-être qu'un jour, on verra votre nom inscrit à l'entrée d'une chambre à quatre, peut-être serez-vous sous le joug d'un système désuet et misérable. Peut-être, peut-être.

Mais dites-vous bien que celui ou celle qui veillera à vos côtés ne demandera pas plus que de vous tenir la main, de faire un pas avec vous et de faire de votre fin de vie une étape qui soit des plus précieuses. Tout en espérant qu'un peu plus de reconnaissance vienne appuyer davantage la main qui soigne, qui calme et qui apaise.