«Habemus papam...» Un pape étonnant cependant, que ses «frères cardinaux sont allés chercher quasiment au bout du monde...», selon ses propres mots. Il n'aurait pas su mieux dire. Au bout du monde en effet, par rapport aux fastes et à la pompe de la cour pontificale!

Ce qui est impressionnant en regardant cet homme frêle, c'est le contraste entre le décor majestueux du palais apostolique et l'homme simple, «l'évêque aux pieds nus», comme on l'appelait, qui s'incline devant le «peuple de Rome», avouant sa faiblesse et demandant qu'on prie le ciel pour lui.

Homme mal assorti avec ce décor majestueux, il ressemble à cet autre François qui, au XIIIe siècle, se présente les pieds nus, comme un pauvre, devant Innocent III.

Ce pape François, dont l'apparence est un peu «vieillotte» - mais on est prévenu de ne pas se fier aux apparences - pourrait s'avérer l'un des plus contemporains des papes, par son expérience. Fils d'immigrants, il partage la condition d'immigrant de tant de personnes de par le monde qui ont dû quitter pays et patrie en raison de la situation économique et de la misère. Il est frère de tous ces immigrants, à commencer par les latinos, déracinés et lancés sur les routes du monde à la recherche d'un lieu où ce serait possible de vivre.

En cela, il est proche aussi des jeunes italiens, espagnols et européens qui ne trouvent plus de perspectives d'avenir dans leur pays et qui sont tentés par l'émigration, en quête d'une terre où ils pourront trouver travail et en quête de raison de vivre plus encore que de moyens de vivre.

Contemporain de tous ces immigrants dont il partage l'expérience, il est proche aussi de tous ceux qui se sont indignés contre une manière de penser l'économie, faisant peser sur les épaules des pauvres des poids insupportables.

Sa protestation à lui n'a pas consisté à sortir dans la rue, mais à s'engager, non seulement pour les pauvres, mais à côté des pauvres et avec eux, empruntant leurs conditions, abandonnant son palais épiscopal pour vivre dans un logement plus modeste (au moment où tant de familles perdent leur maison reprise par les banques), habitant pendant un moment dans un bidonville, renonçant à son chauffeur pour adopter le transport en commun, voyageant en métro et en bus.

Mgr Bergoglio a sévèrement dénoncé en paroles, certes, mais par son mode de vie, une économie qui n'est plus au service des hommes, des femmes et des enfants, une économie qui a perdu sa boussole en se mettant au service du seul profit. En cela, il pourra avoir beaucoup d'affinités, même s'il n'en porte pas les habits et n'en a pas le langage, avec la nouvelle génération des indignés, les invitant à traduire leur indignation en solidarité et en engagement avec les plus pauvres.

Oui, les cardinaux sont allés chercher ce pape «quasiment au bout du monde», mais la distance n'est pas que géographique. Il vient du monde des immigrants et des pauvres, et non pas du monde de la Curie, des jeux de coulisses. Il vient du terrain, et non du «système».