La journée mondiale du sommeil, aujourd'hui, est une occasion de réfléchir sur le rôle du sommeil pour la santé et le bonheur de nos enfants.

En tant que neurologue spécialisé en médecine du sommeil, avec un intérêt particulier en recherche pour comprendre les liens entre le sommeil, le bien-être et la performance, j'ai eu la chance de voir évoluer les données scientifiques montantes démontrant l'effet nocif du manque de sommeil sur nos enfants.

Nous comprenons maintenant davantage ce qui se passe dans le cerveau pendant le sommeil. Au niveau de l'apprentissage, il est démontré que lorsque nous dormons, l'information à laquelle nous avons été exposés durant la journée est réactivée. Et c'est principalement durant le sommeil paradoxal prédominant en fin de nuit que l'information est réactivée au niveau du cortex cérébral pour l'intégrer et s'en souvenir à long terme. Le sommeil permet aussi aux nouveaux patrons moteurs de se développer dans les aires prémotrices frontales pour créer un programme automatique et efficace pour les gestes nouvellement appris. Le sommeil léger de fin de nuit serait particulièrement important pour favoriser ce processus.

Les études se multiplient également pour démontrer les liens entre le manque de sommeil et plusieurs problèmes de santé, incluant l'obésité et les troubles d'attention. Une étude récente prouve aussi que des milliers de gènes deviennent dysfonctionnels avec le manque de sommeil.

Pourtant, malgré le besoin instinctif des enfants de dormir longtemps, nous continuons à voir une baisse du nombre d'heures au lit. Pourquoi? Retenons-nous de montrer rapidement du doigt les choix des enfants dans ce qui les tient éveillés. Regardons pour commencer ce qui, dans les faits, est pratiquement imposé à nos enfants.

D'abord, plusieurs enfants doivent, malgré une heure de coucher raisonnable, se faire réveiller pour se rendre à la garderie ou à l'école. Ensuite, les activités extra-académiques, incluant les sports et les arts, s'étendent de plus en plus fréquemment tard en soirée ou tôt le matin. Finalement, les activités familiales et les activités libres de nos enfants où l'on propose ou permet en soirée une activité stimulante et intéressante risquent fortement d'entraîner un coucher tardif.

Malgré qu'il puisse sembler instinctivement souhaitable d'offrir un long sommeil naturel à nos enfants, plusieurs autres désirs limitent le respect du sommeil. Entre autres, la réussite de nos jeunes est actuellement mesurée par leurs résultats et leurs accomplissements, tant au niveau scolaire qu'au niveau sportif ou artistique. Puisque la performance est améliorée avec la pratique et l'entraînement, les adultes augmentent sans cesse les heures à investir par les enfants pour leur permettre d'atteindre le succès. Et ceci est souvent bien accepté par ces derniers qui souhaitent aussi se démarquer.

Comment pouvons-nous donc protéger le sommeil de nos enfants? Ceci nécessitera de grands changements à plusieurs niveaux dans notre société. Les horaires non seulement scolaires, mais de tous les milieux de travail en parallèle demanderont une profonde remise en question. L'excellence de nos jeunes devra être redéfinie, en incluant des mesures de santé globale et de bien-être qui devront être valorisées au-delà de la performance rattachée au nombre d'heures d'étude et de pratique investies dans des disciplines spécifiques.

Et à la maison, il serait de notre devoir de parents d'établir, respecter et faire respecter une routine avant le coucher, idéalement incluant la lecture, permettant au corps et à l'esprit de s'apaiser pour que nos enfants soient prêts à se coucher au bon moment.

En cette journée mondiale du sommeil, je souhaite à tous ceux désirant contribuer à une future génération saine et équilibrée de pouvoir faire un pas pour le respect du sommeil des enfants. Et à tous les enfants, je vous souhaite: «Bonnes nuits!»