Depuis plusieurs années, il semble admis dans l'espace public que les Québécois sont les plus imposés en Amérique du Nord. Cette idée est à ce point répétée qu'elle fait office de vérité incontestable. Tout un chacun ont intégré qu'il porte le fardeau fiscal le plus lourd.

Or, le Québec impose moins que ses voisins les revenus inférieurs, ce qui nous permet d'affirmer dans la note socio-économique publiée la semaine dernière que « pour une majorité de ménages, il est faux d'affirmer que les Québécois sont les plus imposés en Amérique du Nord ». Il n'en fallait pas plus à Alain Dubuc pour affirmer que nous prétendions que le Québec est un... paradis fiscal, et nous reprocher du même souffle d'être de mauvaise foi !

M. Dubuc et son collègue Francis Vailles affirment que nous n'aurions pas suffisamment porté notre attention sur les plus hauts revenus qui sont, pour leur part, davantage imposés (sans signaler, bien sûr, que c'est là un fait que nous mentionnons dans notre note). Ils ne contestent donc pas qu'une majorité de ménages québécois ne sont pas les plus imposés en Amérique du Nord, mais dans leurs chroniques, cette majorité des ménages est rapidement assimilée aux « ménages à faibles revenus épargnés par le fisc ».

En somme, ce qui compte pour les deux chroniqueurs, ce n'est pas la majorité des contribuables québécois, mais plutôt les 669 528 dont les revenus dépassent 70 000 $. Ceux-ci représentent 10,8 % des contribuables, cumulent 36 % des revenus totaux et paient 50 % des impôts et cotisations selon les statistiques fiscales les plus récentes. « C'est de ce groupe dont on parle lorsqu'il est question de forts niveaux d'impôts par rapport aux voisins », affirme Francis Vailles qui nous accuse de tirer des conclusions générales à partir d'un sous-groupe de la population.

Bref, quand on lit dans les journaux que les Québécois sont les plus imposés en Amérique du Nord, il faut dorénavant comprendre qu'on parle en fait de moins de 11 % des contribuables. Par contre, quand l'IRIS dit que ce n'est pas le cas pour la majorité des ménages, nous nous concentrons sur un sous-groupe de la population et nous manquons de rigueur. Nous croyons que lorsqu'on affirme quelque chose à propos « des Québécois», la majorité d'entre eux devraient être concernés pour que l'affirmation soit véridique. MM. Dubuc et Vailles pensent autrement.

Nous avons voulu montrer par cette note que le Québec n'est pas l'enfer fiscal qu'on nous présente souvent. Cet « excès de gauche », pour reprendre les mots d'Alain Dubuc, permet à notre avis d'aborder les débats fiscaux avec plus de lucidité que le catastrophisme qui prévaut au Québec sur ces questions.

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Votre analyse ne démontre pas qu'une majorité de Québécois est moins imposée qu'ailleurs en Amérique du Nord. Elle démontre plutôt que le Québec est plus généreux envers les moins nantis et les familles. Cette générosité est essentiellement financée par les 664 015 contribuables (17% des contribuables imposables) qui gagnent 70 000$ ou plus et qui paient 53,1% des impôts (statistiques fiscales des particuliers 2009, ligne 81 des pages 49, 107 et 110). Malheureusement, votre analyse fait croire à certains, dont Gabriel Nadeau-Dubois, que les Québécois ont les moyens de la gratuité universitaire, alors qu'ils sont dans les faits les troisièmes plus imposés des pays de l'OCDE en proportion du PIB.

- Francis Vailles