Le congrès d'Option nationale a fait encore une fois ressortir la grande confusion qui prévaut dans bien des cercles souverainistes au sujet de cet enjeu des fonds publics à consacrer à la souveraineté.

Cette confusion n'est pas nouvelle, elle a hanté chacun des conseils nationaux du Parti québécois depuis plus d'une décennie. Il est facile, comme le fait Jacques Parizeau, de balayer du revers de la main l'argument du statut minoritaire du gouvernement actuel, comme s'il s'agissait d'un faux fuyant. En réalité, le problème n'est pas d'abord là.

Plusieurs s'imaginent un peu trop facilement qu'il s'agirait, demain matin, qu'un gouvernement souverainiste se donne un programme tous azimuts d'information et de vente de la souveraineté pour que le taux d'adhésion de partisans du Oui, qui oscille depuis un bon bout de temps entre 30% et 35%, se donne comme par magie des allures d'automne 1995.

Le contexte n'est plus le même et le public électeur non plus. Il faudrait en prendre acte un jour.

Chez une portion relativement élevée de militants souverainistes, on demeure encore trop peu conscient de l'ampleur des dommages causés au mouvement souverainiste par l'opération de «reconstruction nationale» (lire canadienne) réalisée par le clan fédéraliste au cours des 15 dernières années.

Ce plan de reconstruction a agi avec une efficacité certaine auprès des jeunes publics. Il a été accompagné d'un discours très démobilisateur axé sur la «désuétude» du combat national, la «futilité des vieilles batailles» et, surtout, sur la «maudite chicane», denrée politique de Jean Charest et de François Legault.

Tout cela aura créé, c'était l'objectif, un irrésistible sentiment de lassitude, de faux besoin de répit, de désolant repli chez bien des Québécois.

Un discours «particulièrement astucieux», pour reprendre le vocabulaire cher à M. Parizeau, qui aura permis de créer chez les Québécois un réflexe général de non-indignation et de résignation face à tout ce qui peut venir d'Ottawa.

Face à un tel état des choses, bien d'autres chantiers sont à mettre en route d'abord en soutien à un plan de promotion de la souveraineté. Il faut retricoter ce qui a été détricoté depuis 15 ans par l'adversaire sur le plan identitaire et sur le plan de l'affection collective pour le pays.

Il s'agit d'un passage obligé: il n'y aura pas de remontée de la souveraineté dans l'opinion publique si on ne met pas un terme au processus de désamour des Québécois envers eux-mêmes et s'il n'y a pas émouvantes retrouvailles des Québécois avec leur Québec, comme c'était jadis le cas.

Du côté d'Ottawa, on aura été de toute évidence plus stratège à ce chapitre. Au cours de ces 15 dernières années, ce n'est pas formellement dans la «promotion du fédéralisme», mais dans la fierté et dans la promotion du Canada dans le coeur des citoyens qu'on a investi des fonds publics. Une part fort importante des gains réalisés au détriment du mouvement souverainiste est attribuable à cette vaste offensive identitaire.

Si l'approche est tout à fait légitime, qu'est-ce qui empêche tout gouvernement en poste à Québec d'en faire autant? À plus forte raison un gouvernement souverainiste.

Ce qu'il faut réclamer du gouvernement Marois, ce n'est pas un périlleux débat sur l'octroi de fonds publics pour la promotion de la souveraineté, mais d'abord un véritable plan de reconstruction du «goût du Québec» et de son vouloir-vivre collectif.

Pour agir sur ce terrain, nul besoin d'être majoritaire, nul besoin d'un débat préalable en chambre, tout gouvernement en poste à Québec a d'emblée un devoir naturel de faire sans fausse pudeur la promotion et la valorisation grand public de son peuple, de son histoire, de ses institutions, de son territoire national.

Sans un tel plan, la gouvernance souverainiste risque de demeurer cantonnée au niveau des mots. Et en l'absence de résultats, on aura tout le loisir de discuter encore longtemps de mécanique référendaire.