La présente a pour but de corriger plusieurs points de la chronique et de préciser dans quel contexte j'ai suggéré que les terroristes déclarés coupables devraient se voir retirer leur passeport canadien.

Comme vous l'avez indiqué, pratiquement toutes les autres démocraties, de la France à la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni à l'Australie, disposent de ce pouvoir, que le Canada a déjà eu. La Loi sur la citoyenneté de 1947 contenait une disposition conférant le pouvoir de révoquer la citoyenneté des personnes reconnues coupables de trahison. L'abrogation de cette disposition en 1977 a affaibli la législation canadienne en matière de citoyenneté par rapport à d'autres démocraties occidentales.

Tout comme la Loi sur la citoyenneté de 1947, le projet de loi C-425 émanant du député Devinder Shory repose sur le principe que la citoyenneté constitue un privilège fondé sur la loyauté réciproque. Si le titulaire d'un passeport canadien conserve la citoyenneté d'un autre pays pendant qu'il fait la guerre au Canada, il faudrait reconnaître cette situation pour ce qu'elle est: une violente répudiation de sa citoyenneté canadienne.

En d'autres mots, la répudiation de la citoyenneté canadienne devrait être possible non seulement par la signature d'une demande à cet effet, qui constitue une formalité juridique, mais devrait également s'avérer une conséquence logique des actes de violence commis par l'intéressé.

La question est de savoir si ce principe devrait également s'appliquer aux titulaires d'un passeport canadien reconnus coupables d'actes terroristes graves. Vous vous demandez comment définir le terrorisme. La réponse se trouve dans notre Code criminel ainsi que dans les lois des autres démocraties, qui ont toutes défini le terrorisme du point de vue du Code pénal.

Vous vous demandez également ce qu'il adviendrait si un Canadien était reconnu coupable de «terrorisme» par un régime totalitaire comme l'Iran ou la Syrie. Il s'agit d'une question pertinente. Évidemment, il faudrait établir des critères juridiques très rigoureux pour déclencher un processus de répudiation présumée de la citoyenneté et mettre en place des mesures de protection juridiques adéquates supervisées par les systèmes juridique et politique du Canada, comme c'est le cas dans d'autres pays qui disposent de ce pouvoir.

Ce qui est plus grave, c'est que votre chronique laisse entendre que cela ferait des citoyens naturalisés des citoyens de «seconde classe». Je ne suis pas d'accord. La citoyenneté par naturalisation est tout aussi valide que la citoyenneté de naissance. C'est pourquoi j'estime que le projet de loi du député Shory, de même que toute modification à ce dernier, devrait s'appliquer également à tous les Canadiens.

Bien entendu, compte tenu de nos obligations en matière de traités internationaux, nous pouvons seulement révoquer la citoyenneté de personnes qui possèdent deux nationalités ou plus, afin d'éviter de créer des apatrides. Mais le fait qu'une personne possédant plusieurs nationalités soit née au Canada ou naturalisée ne devrait faire aucune différence.

Le projet de loi judicieux du député Shory ainsi que les modifications que j'ai proposées permettraient enfin au Canada d'harmoniser sa façon de faire à celle d'autres démocraties libérales et renforceraient la valeur de la citoyenneté canadienne. Cela enverrait un message clair selon lequel la citoyenneté canadienne a une véritable signification et qu'elle n'est pas un simple laissez-passer que les terroristes violents peuvent utiliser avec impunité.

***

Double traitement



Dans les faits, une telle politique créerait, indirectement, deux types de citoyens. Ceux qui ne possèdent que la citoyenneté canadienne. Et ceux qui possèdent déjà un autre passeport - souvent des immigrants, ou des Canadiens de deuxième génération issus de l'immigration. Les premiers, généralement des Canadiens de «vieille souche», garderaient leur citoyenneté même s'ils commettent les pires crimes, y compris des actes terroristes. Les autres risqueraient d'en être déchus. C'est ce double traitement que je dénonçais dans ma chronique.



- Agnès Gruda