J'apprends à connaître mes patients au fil des jours, selon leur état, leur humeur, entre tests et traitements, selon la durée de leur séjour. Je ne cherche pas à potiner sur leur vie, mais je les écoute attentivement, emportant avec moi plusieurs beaux récits. C'est souvent un partage, auquel la famille du patient prend part quelques fois au fur et à mesure que le lien se forme. De cet échange, résultent souvent de belles leçons sur l'amour et la vie.

À travers la maladie, on découvre les plus belles histoires d'amour. C'est pour la vie; à la vie, à la mort, qu'on le jure, le jour du mariage. Lors des grandes épreuves et des grandes souffrances, on distingue ces couples qui, eux, sont unis par une force encore plus importante que de simples voeux prononcés lors de l'échange des anneaux.

C'est si impressionnant de voir ces hommes et ces femmes qui viennent tous les jours, religieusement, contre vents et marées, pendant des semaines - voire des mois - rendre visite à leur conjoint hospitalisé. Parfois, à cause de la maladie, ce conjoint ne les reconnaît pas, ne se souvient pas de leur visite précédente. Et malgré cela, ils continuent d'être là, se présentant quotidiennement au chevet de l'autre afin de lui tenir compagnie.

Durant les traitements, j'apprends à connaître leur histoire, que ce soit la version du patient ou celle du conjoint. Je réalise dans ces moments qu'une histoire d'amour peut s'avouer belle et tendre, malgré les obstacles de la maladie, qu'elle transforme physiquement, psychologiquement ou cognitivement un ou l'autre des amoureux.

La première fois que j'en ai pris conscience, ce fut lors de la rencontre avec cet homme, un octogénaire, qui avait rencontré sa future épouse dans un camp de la Croix-Rouge en Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Elle était aujourd'hui atteinte d'Alzheimer avancé au point de ne plus se souvenir comment manger, hospitalisée après une vilaine chute. Malgré tout, elle restait son grand amour, la femme qui lui avait permis de passer par-dessus la guerre et de réaliser ses rêves. Ils avaient émigré, fondé une famille, s'étaient bâti une nouvelle vie heureuse, bien à eux, jusqu'à ce que la maladie vienne s'y glisser. Cet amour, il était encore vivant, transformé certes, mais présent. Et il lui donnait la force de l'accompagner chaque jour dans la maladie.

Puis, tout dernièrement, j'ai connu cette femme d'une cinquantaine d'années qui, depuis 10 ans, s'occupe de son conjoint qui nécessite une surveillance quasi constante due au ralentissement de ses capacités motrices et cognitives à la suite de la maladie. Il est un homme tout à fait différent de celui qu'elle a rencontré, mais son amour pour lui a évolué avec les événements et reste sincère, démontré chaque jour par les actions et les gestes qu'elle lui porte et qui sont d'une douceur et d'une tendresse inégalées.

Toutes ces rencontres modifient et transforment continuellement ma définition de l'amour. Je suis une optimiste, rêveuse, peut-être irréaliste, mais ces exemples m'encouragent à continuer à croire en l'amour. Ces gens sont la preuve vivante que l'amour existe, qu'il est possible d'aimer plus que tout et malgré tout.

C'est pour moi un rêve maintenant que de trouver un homme avec qui j'aurais la chance de partager ma vie, d'aimer assez pour être prête à affronter l'adversité, peu importe la forme sous laquelle elle se présentera tout en sachant qu'il sera à mes côtés si la maladie se présente sur notre chemin.