La récente déclaration d'intérêt pour l'aspect architectural du futur pont Champlain de la part de la Ville de Montréal et du gouvernement du Québec est plutôt rassurante et s'avère plus que bienvenue pour les résidants de la grande région de Montréal.

Malgré les beaux et récents grands projets de revitalisation urbaine, dont le nouveau quartier des affaires et le Quartier des spectacles, aucun bâtiment ou oeuvre architecturale n'a su réellement marquer la métropole depuis les quelques monuments connus de l'Expo 67 et l'érection de ce bon vieux Stade olympique en 1976.

Le renouvellement de la réputation enviable que se forge Montréal à notre époque repose davantage sur un développement orienté sur l'événementiel, donc de l'éphémère, que sur du concret. Qu'a donc d'exceptionnel le Montréal des années 2010 que n'avait pas le Montréal des années 70, hormis ses nombreux festivals? Quelqu'un croit-il vraiment qu'avec l'existence du Montréal souterrain, la ville a atteint le paroxysme architectural de son histoire? Avons-nous, depuis 30 ans, évacué tout désir de construire des bâtiments extraordinaires?

Pour autant de belles retombées culturelles, touristiques et économiques que peuvent avoir le Festival de jazz et l'Igloofest (pour n'en citer que quelques-uns), ces derniers pourraient malheureusement se voir anéantis du jour au lendemain par des conditions économiques défavorables. En effet, un Québec en profonde crise pourrait avoir d'autres chats à fouetter que de financer ses centaines de festivals. Quelle trace garderait alors la métropole de ces évènements 20 ans plus tard, hormis ses citoyens vêtus d'un t-shirt de chat saxophoniste troués par les mites et de vieilles tuques fluorescentes?

Je crois qu'il est désormais temps que les décideurs de l'aménagement du territoire, donc de l'espace de vie des citoyens, exercent enfin ce développement DURABLE, terme répété abusivement, mais jamais appliqué. J'entends ici par «durable» un développement qui fera et qui traversera l'histoire.

Du Pain de sucre de Rio de Janeiro jusqu'à la cathédrale Saint-Basile de Moscou, la pérennité de la fierté d'une ville, et même d'une province, passe en grande partie par ses emblèmes, naturels comme architecturaux.

La construction d'un nouveau pont Champlain s'avère à cet égard une chance inouïe de s'offrir à Montréal non pas un, mais deux monuments d'un seul coup. Car en plus d'avoir l'occasion de construire un pont digne de cette ville et de son fleuve majestueux qui sera une fois de plus enjambé, on doit profiter de l'occasion du bordel engendré par le futur chantier pour débarrasser les berges du Saint-Laurent de l'autoroute reliant le pont au centre-ville et enfin créer un parc riverain pour les Montréalais. Et pourquoi ne pas y mettre une plage et y insérer un train léger une fois parti? Faire tout d'un coup, quoi!

C'est probablement la seule occasion que nous aurons d'avoir accès au fleuve près du centre-ville. Manquer cette occasion reportera le tout de quelques dizaines d'années, si cela n'enterre tout simplement pas le projet.

La Société du Havre (bientôt défunte) portait d'ailleurs dans ces cartons cette utopique initiatie. Il reste tout de même un espoir que la Ville réalise l'opération, mais cela dépendra sans doute de la vision de la prochaine administration et de sa capacité à convaincre Québec et Ottawa d'embarquer dans l'aventure. Entre temps notre Saint-Laurent lui, est déjà naturellement constitué d'une architecture de niveau international. Il est grand temps qu'il soit côtoyé par des infrastructures et un pont qui lui rendront honneur.