Le 15 janvier, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec a rendu public son calcul du sous-financement des universités québécoises relativement aux universités des autres provinces pour l'année 2009-2010. La CRÉPUQ estime que, si elles avaient touché le même niveau de revenu par étudiant que les universités hors Québec, les universités québécoises auraient encaissé 4,45 milliards de dollars en revenus de fonctionnement (subvention provinciale, droits de scolarité, dons, etc.). Comme elles n'ont pu disposer dans les faits que de 3,6 milliards, elles se sont trouvées en situation de sous-financement de 850 millions.

Plus des trois quarts des revenus de fonctionnement des universités québécoises sont consacrés à la masse salariale des professeurs et du personnel non enseignant. Le reste sert à acheter divers biens et services.

Si le personnel universitaire devait être rémunéré aux mêmes taux au Québec que dans les autres provinces et si les prix des biens et services achetés par les universités étaient les mêmes au Québec qu'ailleurs, alors il a bel et bien manqué 850 millions aux universités québécoises en 2009-2010 pour qu'elles puissent se procurer le même niveau de ressources humaines et matérielles que les universités des autres provinces.

Toutefois, aucune de ces deux conditions n'est satisfaite.

Premièrement, le salaire annuel moyen du personnel enseignant était 10% plus élevé dans les autres provinces (119 000$) qu'au Québec (108 000$) en 2010, selon Statistique Canada. Dans le cas du personnel non enseignant, le salaire moyen dans les autres provinces dépassait celui du Québec d'environ 12%.

Deuxièmement, quant aux achats de biens et services, presque tout coûte moins cher au Québec qu'ailleurs au Canada. Selon Statistique Canada, ce qui s'achetait pour 100$ à Montréal en 2011 coûtait en moyenne 109$ dans les autres grandes villes canadiennes.

Combler la totalité de l'écart de 850 millions entre les revenus de fonctionnement des universités québécoises et ceux des autres universités canadiennes exigerait trop des contribuables québécois. Ils devraient non seulement accepter de mettre fin au manque de ressources de nos universités, qui est réel, mais aussi leur octroyer assez d'argent supplémentaire pour que la parité absolue de rémunération avec le personnel des autres provinces soit à la portée de tout le personnel universitaire, ce dont ne bénéficie aucune autre catégorie de salariés hautement rémunérés au Québec.

Dans l'ensemble, les hauts salariés du reste du Canada gagnent 15% de plus que ceux du Québec. En d'autres mots, il faudrait permettre d'un coup sec une augmentation des salaires universitaires de 10% à 12% qui serait généralisée, et non limitée à la minorité des professeurs chercheurs particulièrement méritants qui permettent aux universités québécoises d'être concurrentielles au niveau international.

Les contribuables devraient en plus accepter de subventionner les achats de biens et de services des universités pour 9% de plus que ce que leur coûterait réellement la parité de leurs achats avec ceux des autres universités canadiennes.

En épurant le calcul de la CRÉPUQ de ses excès concernant la rémunération du personnel et le prix des achats des universités, l'estimation du sous-financement des universités québécoises en 2009-2010 tombe quelque part entre 300 et 400 millions, plutôt que de se chiffrer à 850 millions.

Première conclusion: le sous-financement estimé par le lobby de la CRÉPUQ est deux fois trop élevé. Mais il y a une seconde conclusion, plus importante. Même s'il n'équivaut qu'à la moitié des prétentions de la CRÉPUQ, le trou financier épuré de 300 à 400 millions est déjà en lui-même considérable. Il justifie amplement l'augmentation du budget des universités jusqu'en 2018-2019 prévue dans le plan de financement déposé en 2012 par le ministre Raymond Bachand.

Et il confirme le bien-fondé de l'engagement des nouveaux ministres Nicolas Marceau et Pierre Duchesne à respecter cette augmentation, dussent-ils compenser par une hausse de la subvention gouvernementale aux universités l'annulation de la hausse annuelle de 254$ des droits de scolarité d'ici 2018-2019 qu'avait annoncée le gouvernement Charest.

Il reste à espérer que cet engagement commun du PLQ et du PQ envers les universités va se concrétiser réellement à moyen terme, malgré les tribulations qui secouent présentement les finances publiques.