Dans une lettre d'opinion publiée lundi dernier, le président du Centre pour les stratégies libérales de Sofia, Ivan Krastev, arguait que « la transparence, nouveau mantra des militants de la moralité en politique », ne suffirait pas à rétablir la confiance des citoyens envers les institutions et les politiciens. Il semblait induire que puisque la transparence des administrations publiques ne garantissait pas l'émergence d'un citoyen plus informé, il ne valait pas vraiment la peine d'investir dans l'ouverture des données.

Deux constats de ce texte étonnent. Le premier est un postulat selon lequel tous les politiciens et les fonctionnaires de l'État sont à la base des dissimulateurs qui utilisent l'information pour des fins de manipulations. Le second semble affirmer que le cynisme citoyen s'apparente à une paranoïa collective.

Pour les tenants d'une gouvernance transparente, le changement de paradigme nécessaire ne se résume pas seulement à l'ouverture des données, mais vise plutôt une nouvelle façon de définir les relations entre l'État et les citoyens. Dans une démocratie plus ouverte, celles-ci s'appuient sur les potentiels humains et technologiques modernes, dont elle favorise la connaissance par tous et l'implémentation dans tous les territoires.

On aurait tort de croire que les tenants de la démocratie ouverte ne sont motivés que par le désir de contrôler l'exécutif. Dans la foulée des scandales, crises financières, abus de toutes sortes, on a effectivement constaté un certain renouveau de l'engagement citoyen propulsé par un désir d'avoir accès en amont à de l'information. Mais leur engagement se manifeste surtout dans la participation à des actions et à des projets concrets pour créer des espaces publics de partage et de coopération.

À la base de l'argumentaire, un principe indéniable : les données produites avec les fonds publics appartiennent au public, elles devraient leur être accessibles sous de multiples formes. En effet, la véritable valeur des données ouvertes se situe dans la capacité qu'a ensuite la société civile de s'en servir, d'en offrir des interprétations et d'en dégager de nouvelles applications pour améliorer les conditions de vie des collectivités.

Pallier au désengagement de l'État dans certains domaines en stimulant l'action citoyenne, coconstruire les règles de vie commune, identifier à partir de l'intelligence collective des priorités ou des territoires d'intervention, voilà quelques exemples des potentialités qu'offre la transparence des données quand elle est couplée à la participation citoyenne et à la coopération.

Pour y arriver, il faut effectivement plus que de la transparence, il faut penser différemment l'intervention de l'État. Il faut créer des nouveaux mécanismes de partage et de collaboration. Ceci n'est possible que lorsque les données à la base sont libérées et que le débat public se fait.