Si le surf des neiges est aujourd'hui en déclin, c'est en bonne partie dû à la trajectoire qu'a suivie le marketing pratiqué par cette industrie.

J'ai commencé à faire du surf des neiges vers 1989 avec le club de l'UQAM. À l'époque, il suffisait de se pointer avec une vieille paire de bottes Sorel, et pour 25$, on partait en autocar et on nous prêtait une planche à neige de freestyle (large et souple avec double spatule).

Une fois «qu'on était meilleur», la voie naturelle pour la plupart était de passer aux planches alpines, de freeride ou de course, plus étroites et rigides.

Le programme alpin était simple: descendre en vitesse et en contrôle, en faisant des virages coupés extrêmes (donc sur les carres de la planche, voyageant sur sa tranche). Quand c'est réussi, c'est fluide et gracieux, la trace n'a que l'épaisseur de la planche, et le planchiste file en silence comme si la nature du terrain n'importait plus: creux, bosses, glace, tout y passe. À grande vitesse, les décrochements de pente sont une occasion de voler au-dessus de la piste; le bonheur.

D'emblée, le surf des neiges a séduit les ados souhaitant naturellement se démarquer des skis de leurs parents. L'industrie l'a compris et a ciblé son marketing sur eux. On a progressivement vu disparaître les planches alpines des catalogues et des vidéos, au profit du freeride.

On nous a abreuvés d'images de poudreuse et de demi-lune, terrains de prédilection de ces planches. Les modèles se sont assouplis et élargis et les pratiquants ont progressivement adopté la technique de la demi-lune, avec les pieds tournés à 90°, voire vers l'arrière, perpendiculairement à la planche.

Le côté trash a été exacerbé par le marketing, nous montrant des jeunes traversant des tables de pique-nique ou dévalant des rampes d'escalier. À tel point que les compétitions de slalom en surf aux Jeux olympiques ont paru un sport à part qui n'avait rien en commun avec la pratique courante.

L'industrie a bien profité de ces années fastes: les acheteurs (les ados) n'étant pas les payeurs (les parents), les planches ont toujours pu se vendre plus cher que les skis, alors que leur construction est la même et les fixations bien plus simples. Vers 1996, Burton, le numéro un mondial, avait retiré les planches alpines de sa production, et bien sûr de toutes ses vidéos. Depuis, les planches alpines sont devenues progressivement quasi introuvables. Malheureusement, si la poudreuse abonde sur la côte ouest, elle est beaucoup plus rare dans l'Est. Et quand elle tombe, les centres de ski s'empressent de la peigner en «corduroy» pour la faire durer. Notre mélange de neige naturelle et artificielle est plus souvent ferme, durci, voire carrément glacé. Dans ces conditions, les virages avec une planche de freestyle, où on regarde la pente par-dessus l'épaule, sont plus difficiles. Les surfeurs manquent alors souvent d'élégance, grattant la piste en produisant un bruit de «planche de coffrage».

En outre, à mesure que le surf s'est popularisé, il est devenu mainstream, perdant son côté rebelle qu'affectionnaient les ados. Même les vêtements de marque se sont retrouvés dans les boutiques chics fréquentées par maman.

Parallèlement, l'industrie a introduit les skis paraboliques qui permettaient à papa de «carver» à la façon des planchistes. Fiston s'est alors aperçu qu'il n'allait pas aussi bien ni aussi vite, et il a repris le ski. Il aurait pu passer au surf alpin et faire des virages coupés encore plus couchés et «qui usent les mitaines», mais le marketing de l'industrie a déjà mis ces planches hors de vue et de portée. Il semble trop tard pour changer.