Dans la tourmente d'un drame familial ayant causé le décès de son frère, un gamin de 12 ans devait-il impérativement être traité comme l'auteur dangereux d'un crime grave? Fallait-il l'incarcérer dans l'attente d'une demande d'élargissement provisoire? Face à cet épisode cauchemardesque, n'est-ce pas plutôt un dossier à texture thérapeutique?

L'enquête policière, semble-t-il, révèle les éléments suffisants au soutien de graves accusations: homicide involontaire et possession illégale d'une arme prohibée.

Certes, un policier a le devoir d'appliquer la loi. Ce n'est toutefois pas une opération mécanique: l'application de la lettre de la loi au quotidien nécessite certains ajustements, lesquels participent de l'essence même d'une saine administration de la justice pénale.

Il n'en va pas différemment des procureurs de la poursuite. Le fondement du pouvoir discrétionnaire réside dans la capacité - voire même l'obligation - d'exercer son jugement afin de mettre en phase l'application de la loi aux circonstances ponctuelles et aux impératifs concrets de la justice.

D'ailleurs, le pouvoir discrétionnaire est une caractéristique essentielle de la justice pénale. Un système qui tenterait d'éliminer tout pouvoir discrétionnaire serait trop complexe et rigide pour fonctionner. Concrètement, ce qui peut nuire au bon fonctionnement du système judiciaire, ce n'est pas tant la discrétion que son exercice inapproprié. Il est admis que la gravité d'une inculpation et les antécédents d'un adolescent sont des facteurs déterminants quant au traitement d'un dossier.

La Loi (fédérale) sur le système de justice pénale des adolescents postule que la société canadienne se doit de répondre aux besoins des adolescents, de les aider dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu'à l'âge adulte.

Le législateur a convenu de limiter la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et de diminuer le recours à l'incarcération des adolescents non violents. Il n'y a pas nécessairement d'adéquation entre la gravité objective d'une accusation et la dangerosité de l'accusé.

Selon la loi précitée, le recours aux mesures extrajudiciaires est souvent la meilleure façon de s'attaquer à la délinquance juvénile. Le recours à ces mesures permet d'intervenir rapidement et efficacement pour corriger le comportement délictueux des adolescents.

Dans les cas d'infractions non violentes, le législateur présume que la prise de mesures extrajudiciaires suffit pour faire répondre les adolescents de leurs actes délictueux. Bien sûr, en matière d'homicide involontaire, l'adolescent ne peut prendre appui sur cette présomption. Néanmoins, rien n'empêche la défense de démontrer l'utilité d'une mesure extrajudiciaire.

Le recours à des mesures extrajudiciaires vise les objectifs suivants: sanctionner rapidement et efficacement le comportement délictueux de l'adolescent sans avoir recours aux tribunaux; l'inciter à reconnaître et à réparer les dommages causés aux victimes et à la collectivité; favoriser la participation de la famille et de la collectivité en général à leur détermination et mise en oeuvre; respecter les droits et libertés de l'adolescent et tenir compte de la gravité de l'infraction.

À la différence d'autres provinces, le Québec préconise une approche favorisant des mesures moins coercitives que le traitement judiciaire classique, lesquelles facilitent l'intégration d'un adolescent fautif dans son milieu social. Dans cette perspective, rien n'est encore joué dans l'affaire du gamin de 12 ans.