L'ex-député bloquiste Pierre Paquette dénonce à juste titre l'actuelle réforme de l'assurance-emploi imposée par le gouvernement Harper. Toutefois, il fait fausse route en présentant cette réforme comme « une attaque contre le Québec ».

Bien qu'elle aura un impact catastrophique sur les travailleurs saisonniers et les régions où cette forme d'emploi prédomine, la réforme Finley touche l'ensemble des prestataires d'assurance-chômage - y compris les travailleurs dits « de longue date », qui devront accepter eux aussi des emplois à 80% ou 90% de leur salaire habituel et à une heure de transport de leur domicile (voire plus).

De plus, en créant une pression à la baisse générale sur les salaires ouvriers, on peut dire que ce sont tous les travailleurs qui subiront l'effet de la réforme : or, cet effet ne saurait s'arrêter aux frontières du Québec. De la même manière, l'abolition des tribunaux administratifs actuels en matière d'assurance-emploi - que la plupart des intervenants jugeaient accessibles et relativement efficaces - et leur remplacement dans le cadre de la réforme Finley par un nouveau tribunal devant lequel le simple droit d'être entendu ne sera même plus reconnu, s'appliquera dans tout le pays, et pas seulement au Québec.

Alors, pourquoi écrire qu'il s'agit d'une « attaque contre le Québec »? Les gens du Nouveau-Brunswick et des provinces maritimes en seront-ils soudainement épargnés? Dans ce cas, Pierre Paquette devrait leur annoncer la nouvelle au plus vite, pour qu'ils cessent de descendre dans les rues...

La réponse à cette question, on la retrouve en conclusion du texte de M. Paquette, qui ramène une fois de plus cette idée bancale de rapatriement au Québec du régime d'assurance-emploi. Le problème de l'assurance-chômage n'en a pourtant jamais été un de juridiction. C'est un problème de politique sociale : quel type de régime nous voulons? Quelle protection souhaitons-nous offrir aux travailleurs en situation de chômage? Quelle est la responsabilité de l'État dans l'administration et le financement d'un tel régime?

Sachant que le Québec est actuellement un bénéficiaire net d'un régime qui ne répond déjà pas aux besoins des chômeurs, l'idée qu'une assurance-emploi purement québécoise fasse nécessairement meilleure figure ne tient pas la route. Peut-on raisonnablement penser qu'un régime québécois administré, disons, par l'ancien gouvernement Charest, n'aurait jamais adopté une orientation similaire à celle du gouvernement Harper? Compte tenu de la position névralgique du programme d'assurance-chômage dans le rapport de force entre travailleurs et employeurs, est-il réaliste de croire qu'un régime rapatrié serait à l'abri des pressions exercées par les grandes organisations patronales québécoises - elles qui ont applaudi des deux mains à la réforme Finley? Quant au nouveau gouvernement péquiste, la priorité à la lutte au déficit annoncée dans son premier budget nous interdit de croire à une plus grande générosité pour les chômeurs.

L'intervention de Pierre Paquette n'aide aucunement à construire le rapport de force dont nous avons besoin pour forcer le gouvernement Harper à faire machine arrière. La mobilisation exceptionnelle des gens de l'Est du Québec et des provinces maritimes contre le saccage de l'assurance-emploi, qui rassemble francophones, anglophones et autochtones, nous apparaît bien plus porteuse qu'une stratégie de repli autour de la proposition de rapatriement du régime.

La réforme Finley est beaucoup plus qu'une attaque contre le Québec : c'est une attaque contre le monde ouvrier dans son ensemble.

Et la clé, pour y faire échec, c'est justement que le monde ouvrier le saisisse et se mobilise à la hauteur de cet enjeu, dans un esprit d'unité et de solidarité.