Le 19 décembre, immédiatement après la fin de la session parlementaire, nous apprenions par voie d'un communiqué laconique qu'au cours de l'année terminée le 30 septembre 2012, 232 patients étaient décédés dans nos hôpitaux à la suite d'accidents.

De plus, pas moins de 50 400 patients ont subi des accidents, dont 200 ont souffert de graves séquelles permanentes. Or, ces données sous-estiment cette dure réalité, car 48hôpitaux sur 268 avaient omis de faire rapport.

Le problème de la sécurité des patients existe dans tous les systèmes de santé. Au sein de l'Union européenne, de 8% à 12% des patients admis dans un hôpital subissent des effets indésirables à la suite de leur hospitalisation. Les infections associées aux soins toucheraient 5% des patients hospitalisés et seraient la cause de 37 000 décès chaque année.

Plusieurs pays confrontés avec une situation analogue ont décidé d'agir. Au lieu de blâmer les intervenants, ils misent sur la prévention en introduisant des correctifs dans leur système de santé. Selon cette approche, qui mise sur la transparence, on se préoccupe en premier lieu du patient malgré les réticences inévitables des intervenants professionnels. Elle comprend des programmes de divulgation obligatoire, d'analyse des causes d'accidents et d'incidents, de correction et de prévention. Des objectifs de réduction des erreurs et des incidents sont établis.

Les résultats montrent clairement que c'est la voie à suivre.

Au Danemark, avant l'introduction en 2004 d'une politique de sécurité des patients, les évènements indésirables dans les hôpitaux s'élevaient chaque année à quelque 40 000 erreurs reconnues et 5000 décès. Grâce à la politique de sécurité, on évalue à 40% la réduction de ces évènements. De plus, 280 000 jours d'hospitalisation sont évités chaque année pour une économie de 495 millions d'euros.

Le Québec a fait figure de pionnier en 2002 en rendant obligatoire, par voie législative, la déclaration des incidents et accidents survenus lors de la prestation de services et en introduisant un registre national de ces évènements. Pour améliorer la sécurité des patients, la législation oblige de plus les établissements à créer des comités de gestion des risques.

Pour favoriser la divulgation, la législation québécoise sur la santé protège les intervenants qui dévoilent un évènement. Ils ne peuvent être soumis à une enquête disciplinaire et leur témoignage ne peut être invoqué contre eux.

Malheureusement, ces mesures sont loin d'avoir donné les résultats escomptés. Le ministère de la Santé, trop préoccupé par la microgestion à distance du système, est loin d'avoir donné toute l'attention nécessaire à cette question. De toute évidence, on ne se préoccupe guère de la sécurité des patients.

Grâce au nouveau registre, les causes d'accidents et d'incidents dans nos hôpitaux commencent à être mieux connues. Parmi les évènements les plus fréquents, on compte 150 000 chutes, qui provoquent des fractures dont les effets sont souvent permanents, et 140 000 erreurs de médication dont les effets peuvent avoir des conséquences graves.

Heureusement, à la suite des interventions de la Protectrice du citoyen, certains correctifs ont déjà été apportés. Des initiatives intéressantes visant à réduire les erreurs et les accidents ont également été prises au niveau local par des comités de gestion des risques. Ainsi, dans un CHSLD, on a réduit le nombre et la gravité des chutes en raccourcissant les pattes des lits. Dans un autre établissement, on a réduit les erreurs médicamenteuses en identifiant clairement les médicaments dangereux.

Dix ans après l'adoption de la législation sur la sécurité des patients, on se serait attendu à l'annonce d'un programme misant sur la transparence et à un engagement ferme du ministre et de toutes les instances dans notre système de santé. Le ministre a plutôt choisi de minimiser l'importance des erreurs et des accidents et de confier à des conseillers externes le mandat de faire le point sur la question et de faire rapport vers la fin de 2013.