Les Premières nations au Canada, entre autres au Québec, en ont assez. Il était temps, diront certains. Depuis quelques semaines, de Victoria à Halifax, en passant par Montréal et Ottawa, une nouvelle génération prend la rue pour protester contre les politiques du gouvernement Harper. Le mouvement Idle No More, version autochtone des Indignés, s'étend aujourd'hui comme un feu de paille. Un grand rassemblement avait lieu ce vendredi à Ottawa.

Que veulent les Autochtones au juste? Le message de fond que porte ce mouvement est clair : les Autochtones en ont assez des conditions déplorables dans lesquelles la majorité vivent. Cette situation est d'autant plus inacceptable au regard des faramineux profits résultants de l'exploitation des ressources naturelles à proximité de plusieurs communautés démunies.

La frustration des Premières nations est compréhensible. À l'échelle canadienne, près de 50 % des adultes sont sans emploi. Le revenu moyen dans les réserves est moins de la moitié de la moyenne canadienne. 54 % des adultes vivant dans les réserves n'ont pas de diplôme du secondaire. Les conditions de vie dans certaines réserves rappellent celles du tiers-monde : 25 % des familles dans les réserves vivent dans un logement surpeuplé et 9 % n'ont pas accès à un système de traitement d'eau. Ces chiffres sont bien connus; ils ont à peine changé depuis 20 ans. C'est bien là le drame.

Que faire? La Loi sur les Indiens, un legs colonial qui continue de miner le potentiel économique, culturel et démocratique des Premières nations, doit être abolie. Démanteler l'appareil institutionnel qui découle de cette loi n'est cependant pas chose facile. Plusieurs craignent de perdre la protection et les privilèges qui en découlent.

Le salut de ces petites communautés repose aussi sur un véritable engagement des gouvernements à développer le territoire de manière paritaire, dans le respect des droits, mais aussi des valeurs des premiers habitants du territoire. Plusieurs provinces, dont le Québec, ont aujourd'hui une politique valorisant la participation des peuples autochtones à la mise en valeur du territoire. Il faut cependant aller plus loin. Un véritable engagement passe par un partage de l'autorité - la souveraineté, disent les Autochtones - sur le territoire.

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Ce n'est pas la première fois que les Autochtones prennent la rue pour protester contre l'inaction des gouvernements. Cette fois, pourtant, il y a quelque chose de différent. Il y a d'abord la nature même du mouvement, portée au départ par des femmes autochtones excédées par l'apathie de leurs propres concitoyens. Les grandes organisations autochtones du pays, si elles y sont sympathiques, ne sont pas à l'origine de cette nouvelle vague de mobilisation. Il s'agit d'un véritable mouvement populaire, né de la base, comme on dit.

Quelques gestes spectaculaires - la chef de la communauté d'Attawapiskat, Theresa Spence, fait depuis la semaine dernière grève de la faim - contribuent sans doute à la visibilité de la campagne. Le succès de la campagne Idle No More repose cependant sur les réseaux sociaux. Le coeur virtuel de la campagne autochtone se trouve sur Twitter et sur un blogue qui sert à relayer l'information sur la mobilisation, en particulier chez les jeunes autochtones.

La force du mouvement, ce sont en fait ces jeunes de moins de 25 ans qui sont aujourd'hui majoritaires dans les réserves. Le mouvement Idle No More est porté par ces jeunes qui refusent de rester les bras croisés devant l'absurde et l'intolérable. Il reste à espérer qu'ils ne s'arrêteront pas.