En tant qu'observateur des affaires publiques québécoises depuis 30 ans, je dois constater que, sans le travail acharné d'une poignée de journalistes d'enquête, jamais la commission Charbonneau n'aurait atteint le succès actuel.

Mon expérience m'a appris qu'au Québec, tout le monde se protège, soit par intérêt, soit par peur de représailles, soit parce que nos institutions publiques ont favorisé le développement d'une culture de gestion corporatiste du chacun-pour-soi.

L'omerta n'est pas seulement l'apanage de la mafia, mais aussi des employés syndiqués qui se protègent entre eux, des dirigeants de la fonction publique qui se ferment les yeux et, enfin, de notre classe politique trop préoccupée par les scandales et peu outillée pour adopter des lois dissuasives et exemplaires.

À titre d'exemple, sans le dévoilement public répété de reportages écrits, radiophoniques ou télévisuels de cas d'abus de pouvoir, de systèmes de collusion et de corruption implantés depuis plusieurs années dans les administrations de Laval et de Montréal, jamais personne n'aurait témoigné devant la commission Charbonneau.

Malgré ces témoignages accablants, le gouvernement du Québec avouait candidement son impuissance à mettre sous tutelle deux des principales administrations municipales au Québec contaminées par une culture de corruption à grande échelle.

Comble du ridicule, les lois actuelles récompensent les gestionnaires «potentiellement corrupteurs» en leur permettant de quitter leurs emplois avec l'ensemble des avantages sociaux prévus dans la loi, tels les indemnités de départ et les fonds de pension accumulés. Nos lois n'ont jamais prévu des sanctions pour nos gestionnaires indignes, et encore moins un recours pour récupérer l'argent détourné des contribuables.

Nos courageux journalistes d'enquête devraient dès maintenant rechercher où sont allés les fonds publics détournés, afin que nous puissions au moins récupérer un faible pourcentage de ces sommes. Celles-ci pourraient alors servir de fonds permanents pour financer une lutte sans merci à la corruption et à la collusion surtout face au crime organisé.

C'est pourquoi je suggère au gouvernement du Québec d'organiser plus tôt que tard un sommet sur l'intégrité dans la gouvernance publique, avec ses partenaires municipaux, syndicaux et patronaux, afin de mettre en place non seulement les bases d'un véritable système anticorruption dans nos institutions publiques, mais aussi des moyens de récupérer l'argent public détourné.

Depuis plusieurs années, tout le monde du milieu de la construction savait qu'il existait un système de corruption à Montréal et Laval, mais personne n'avait le courage ou les moyens de le dénoncer. Le peuple québécois doit donc une fière chandelle à ses journalistes qui méritent haut la main le prix de l'intégrité publique.

Espérons que la juge Charbonneau en fera mention dans son rapport final.