Comme bien des citoyens, je me suis réjoui de la mise en place de la commission Charbonneau. Enfin, me suis-je dit, nous allons faire la lumière sur la corruption et la collusion dont les contribuables montréalais, entre autres, font les frais depuis des années.    

Ça avait bien commencé: travail de préparation, premiers témoins qui ont avoué avoir reçu des pots-de-vin, etc. Mais depuis quelques semaines, ça va moins bien. On tourne en rond, de bouteilles de vin en billets de hockey. Des procureurs démissionnent. Les avocats représentant les parties impliquées se plaignent de recevoir l'information à la dernière minute.

Votre chroniqueur Yves Boisvert a soulevé des questions très pertinentes concernant cette Commission. C'est tout à son honneur. Et je crois qu'il exprime un malaise ressenti par de plus en plus de citoyens qui fondent des espoirs dans cette Commission.

Je crois qu'on en est rendu au point où on peut questionner la capacité de la juge Charbonneau à mener à bien ce travail, tout éminente juriste soit-elle. La diffusion de la liste du 357c est une bavure importante. La Commission devait bien savoir que Line Beauchamp, Pierre Bibeau et quelques autres allaient, dans l'opinion publique, être jugés et condamnés sans appel pour avoir dîné avec les Catania, Zampino et Trépanier.

Sont-ils coupables de quoi que ce soit? On n'en sait rien, ils ne sont même pas accusés. Est-ce que cette liste prouve quoi que ce soit? Non, aux dires mêmes de l'enquêteur Érick Roy qui l'a présentée devant la commission.

Pourquoi donc avoir diffusé cet «élément de preuve» ? Si j'étais cynique, je dirais: pour attirer l'attention ailleurs que sur les problèmes et les dérapages de la Commission. Fort heureusement, je ne suis pas cynique. De toute façon, jeter des noms en pâture à l'opinion publique pour détourner son attention et la faire patienter serait quelque chose de très vilain, on en conviendra.

Pour toute explication, la juge Charbonneau nous dit d'attendre, que «tout se mettra éventuellement en place». Je l'espère. Mais dorénavant, nous sommes en droit de lui demander plus que huit minutes de mauvaises explications. Nous sommes en droit d'exiger des preuves de ce qui est avancé. Vouloir «protéger les enquêtes policières en cours» n'est pas une licence pour dire et faire n'importe quoi, n'importe comment.

Assez de «croustillant». Du concret, S.V.P..