Nous tenons à nuancer certaines affirmations émises dans la lettre des professeurs Bertrand Malsch, Danielle Morin et Marie-Soleil Tremblay à la lumière du contexte propre à la fonction du vérificateur général de la Ville de Montréal.

Le mandat conféré aux vérificateurs généraux municipaux en vertu de la Loi sur les cités et villes est de soutenir le conseil municipal dans ses responsabilités de gouverne par le moyen de sa vérification des affaires et comptes de la municipalité. Cette vérification comporte notamment la mesure dans laquelle les ressources sont gérées par l'administration en conformité avec les lois et les règlements ainsi qu'un souci d'économie, d'efficience et d'efficacité.

Le vérificateur général de la Ville de Montréal a-t-il sonné l'alarme en ce qui a trait plus spécifiquement au processus d'octroi et de gestion des contrats relatifs aux travaux de construction? À maintes reprises. Nous avons produit, depuis 2004, plus de 25 rapports de vérification qui touchaient l'octroi et la gestion des contrats. Nous avons également, à quelques reprises, transmis le fruit de nos travaux aux autorités policières, dont à titre d'exemple le dossier du projet Faubourg Contrecoeur.

Par ailleurs, nous ne pouvons passer sous silence, en lien avec les allégations faites à la commission Charbonneau sur le processus d'octroi et de gestion de contrats à la Ville de Montréal, que lorsque nous confirmons la mise en application de nos recommandations à la suite de la découverte de lacunes, notre cycle de vérification prend fin compte tenu de notre mandat. Si, par la suite, pour différentes raisons, il y avait récidive des dites lacunes, nous ne pourrions pas détecter cette situation.

De plus, si une personne décide sciemment, une fois la recommandation mise en place, de la contourner, il nous serait également difficile de découvrir cette situation. En outre, rappelons que le vérificateur général n'a qu'un pouvoir de recommandation. La mise en oeuvre ou non des recommandations formulées par le vérificateur général est une prérogative de l'administration.

Dans notre dernier rapport annuel, nous avons fait état qu'environ 5% des recommandations dites majeures n'avaient pas été mises en application. Nous ne disons pas que toutes ces recommandations concernent nécessairement les allégations faites à la commission Charbonneau, mais cette situation démontre les limites des travaux du vérificateur général.

Nous n'avons pas, à titre de vérificateur général, la capacité et la latitude, comme l'affirment les auteurs, de faire «toute la lumière sur la gestion illégale et inefficace des fonds publics dans le domaine de la construction». La portée de notre travail et de nos conclusions est limitée par quatre facteurs majeurs.

- Le vérificateur général n'a pas les pouvoirs d'enquête des autorités policières.

- Contrairement à la commission Charbonneau, qui a le pouvoir de contraindre des personnes appartenant à des organisations diverses à venir témoigner à sa tribune, le pouvoir du vérificateur général de la Ville de Montréal se limite à exiger de tout employé de la Ville de lui fournir les informations nécessaires à son travail. Il n'a pas légalement l'autorité nécessaire d'exiger des informations d'élus ou de tiers ainsi que de les contraindre à s'expliquer.

- Une limite inhérente au contrôle interne dans une organisation est la présence de collusion, qu'elle soit interne ou externe. Dans la mesure où deux personnes ou plus décident de comploter pour commettre une fraude ou une malversation, il devient difficile, voire impossible, pour un vérificateur de détecter les stratagèmes utilisés, qui peuvent comprendre la falsification de documents ou la négligence volontaire.

- Les ressources financières allouées au vérificateur général sont limitées et fixées par la loi.

Nous sommes convaincus que la vérification indépendante des comptes et affaires de la Ville, telle qu'elle est pratiquée par le Bureau du vérificateur général de Montréal, demeure un moyen important pour s'assurer de la saine gestion des deniers publics. Cependant, en raison des contraintes évoquées précédemment, il serait illusoire d'espérer que le vérificateur général puisse détecter toutes les menaces de fraude et de corruption pouvant survenir dans une grande ville comme Montréal. Nous n'avons ni les pouvoirs ni les ressources d'une commission d'enquête et des autorités policières.