J'assiste à la déchéance d'un cycliste porté aux nues par sept titres au Tour de France, après tant d'années de déni et de mensonges. Un autre héros de plus s'ajoutant à la trop longue liste de tricheurs: un ex-entrepreneur devenu délateur - et que l'on accueille avec tant de complaisance sur le plateau de Tout le monde en parle, un haut fonctionnaire autrefois respecté, des conseillers financiers des plus gourmands, etc.

Mais qu'est-il arrivé à ces «leaders sans titres» pour qu'ils aient choisi la voie d'une aussi choquante facilité? Ne faut-il pas manifester un tel manque d'estime de soi pour s'enrichir aux dépens de ses semblables?

En cette ère du n'importe quoi et du n'importe comment, la tricherie est érigée en système. Scrupules, morale, principes et convictions, tout ceci n'a plus sa place, pas plus qu'un devoir n'a de préséance sur ce qu'est devenu le droit individuel.

Faire tourner les têtes à tout prix, créer LE scandale pour augmenter sa «cote réseaux sociaux», vivre à même une opulence faussement méritée, calomnier sans filtre, couper la file d'automobilistes par la droite, c'est ce qu'on me dépeint comme la ligne à suivre. À défaut de quoi je suis condamné à la survie. Défier les règles écrites et non écrites, c'est décrocher un rôle de choix au téléroman du plus fort. C'est succomber à la tentation de rouler à même l'accotement pendant qu'on se contente de klaxonner à gauche.

Il y a péril en la demeure: l'enseignement découle bien souvent de l'action, le verbe devenant secondaire en présence de gestes à la voix si forte. Les dommages collatéraux ne se calculent plus, nos enfants assistant, oreilles et yeux bien éveillés, au spectacle désolant qu'on leur dessine quotidiennement. Au cirque du «je me regarde le nombril» faisant la une de trop de publications, de trop de médias qui salivent à l'idée de se réserver la plus grosse pointe de tarte. À quand l'indigestion, le fond du baril?

Il y a urgence. Où sont nos héros, les vrais, les grands? J'ai espoir qu'ils n'aient pas tous été honorés par leur place au dictionnaire. J'ai encore la naïveté de croire qu'un héros se cache derrière cet enseignant qui fait la différence et qui tente de façonner notre demain à coup de respect, de valorisation, d'autorité assumée. Chez ce parent qui apprendra à son enfant que le mot AMOUR s'épelle aussi T-E-M-P-S. Chez cette policière soucieuse d'ennoblir sa profession par des interventions inspirées et inspirantes, ou cet humoriste qui contribuera, avec finesse et engagement, à nous faire redécouvrir l'acquis. Chez ce politicien pour qui la tolérance zéro ne sera pas que promesse électorale. Chez ce diffuseur qui comprendra enfin que désirer n'a rien à voir avec les tribulations de pauvres marionnettes parachutées sur des plages de Californie.

Et si nous étions nous-mêmes ces héros, pleinement conscients que nos actes résonnent à l'infini? Il faut tout un village pour élever un enfant, j'en ai la profonde conviction. Encore faut-il que nous, villageois, saisissions l'urgence de se tenir la main, de contribuer sans relâche à ce que chaque enfant prenne conscience de sa valeur et de l'inestimable trésor caché en lui. Enseignons à nos enfants l'altruisme, l'interdépendance de chacun dans la poursuite de cet immense spectacle, soyons les plus grands metteurs en scène qu'ils n'aient jamais connus!

Surtout, réalisons qu'à défaut de toujours travailler pour l'estime de soi de nos jeunes, il est impératif de s'engager, tous, à ne pas travailler contre. Même s'il faut, pour cela, accepter qu'il y ait toujours des chauffards pour nous dépasser par la droite. Et la tentation d'aller les rejoindre.