Il est légitime de se demander si les pommes sont toutes pourries et «corrompues de haut en bas » du pommier municipal, pour paraphraser une récente manchette de La Presse qui faisait écho aux révélations sur les magouilles impliquant des fonctionnaires et des élus montréalais. Une manchette qui ne m'a pas laissé indifférent, d'autant plus que j'ai transigé avec plusieurs employés de la Ville au cours des dernières années.

Quand j'ai voulu restaurer la façade de ma maison victorienne, des voisins m'ont prévenu des tracasseries probables que me feraient subir les fonctionnaires qui toucheraient aux différents aspects du dossier. C'est donc avec appréhension que je me suis présenté une première fois à la division des permis et des inspections de l'arrondissement Ville-Marie, à la Place Dupuis. Je me demandais presque à quelle étape on commencerait à me faire des difficultés.

La réceptionniste m'y a accueilli avec le sourire et aiguillé vers un guichet où la préposée à l'émission des permis m'a écouté attentivement avant de m'exposer avec force détails le processus et les exigences réglementaires propres à ma situation, émaillant ses propos de recommandations sur la présentation du dossier et m'encourageant à procéder sans tarder « parce que le programme de subvention vient bientôt à échéance, on ne sait pas s'il sera renouvelé et ce serait vraiment dommage qu'un si beau projet ne puisse en profiter! » La qualité de l'accueil lors de ce premier contact a dépassé de loin mes attentes, mais je savais que la partie n'était pas gagnée pour autant.

Quelque temps plus tard, avec un volumineux dossier en main, j'y suis retourné pour déposer mes demandes de permis et de subvention. Il aurait été plus simple, me disais-je, de le poster, mais il fallait l'apporter en personne. Pourquoi? Je nourrissais des doutes quant aux raisons. Ce que j'ignorais, c'est qu'on allait me diriger vers une architecte qui a épluché le dossier page par page. J'avais des sueurs froides : quelles bibittes cherche-t-elle ? La réponse est venue rapidement : « On vérifie tout de suite la conformité du dossier pour vous éviter des délais s'il manquait des éléments d'information et des pièces justificatives. Je vous félicite de la préparation de votre dossier et j'espère que vous aurez des réponses affirmatives bientôt. » J'étais bouche bée.

J'arrête la narration ici, car il n'y a pas d'histoire croustillante à raconter. Du début à la fin du processus (assez long, il faut le reconnaître), je n'ai eu aucune mauvaise surprise. Vrai, j'ai fait mes devoirs et respecté les normes, mais je n'ai eu affaire qu'à des gens d'un professionnalisme remarquable, tant à la division des permis et des inspections et à la division de l'urbanisme de l'arrondissement Ville-Marie qu'au Bureau du patrimoine, de la toponymie et de l'expertise de la Ville : tous m'ont semblé épauler sincèrement mon projet de restauration, sans jamais demander quoi que ce soit en échange de leurs services et de leurs conseils. Pas de ristourne, pas de pot-de-vin, pas d'enveloppe brune. Je leur en suis profondément reconnaissant.

Vendredi prochain, quand j'arriverai au hall d'honneur de l'hôtel de ville pour recevoir un prix émérite de l'Opération Patrimoine architectural de Montréal, j'aurai un petit pincement au coeur en pensant aux magouilles de quelques-uns qui jettent du discrédit et suscitent la méfiance à l'endroit du travail honnête et honorable du grand nombre.

C'est le temps des pommes et je sais d'expérience qu'elles ne sont pas toutes pourries.