Vous entendez parler de plus en plus du Sahel, une région entre le désert et la steppe africaine. Oui, une autre crise en Afrique. Une crise annoncée longtemps à l'avance cette fois-ci. La suite de la famine de la Corne de l'Afrique, une mauvaise saison des pluies étant décalée de six mois entre ces deux régions. Une mauvaise saison des pluies qui condamne les oiseaux et les insectes comme les sauterelles à gruger les récoltes. Ensuite, il y a un contexte politique et économique difficile à la suite de la crise libyenne.

Les crises humanitaires, ce n'est jamais simple. Mais les conséquences sont claires. Les réserves de nourriture sont épuisées depuis avril et la saison de la faim commence jusqu'à la prochaine récolte en octobre.

Je vous dis tout ça parce que même dans ces crises qui semblent si loin, il y a un petit peu de nous. La réflexion que j'ai chaque fois que je suis dans cette région désertique est la même: pourquoi parle-t-on des ours polaires en péril quand il est question de changements climatiques alors qu'il y a des gens qui meurent aujourd'hui? Parce que oui, ô surprise, les changements climatiques ont une influence sur la désertification qui s'intensifie sur toute la région du Sahel.

Ce sont nos petits gestes du quotidien qui influencent le changement du climat: l'auto qu'on utilise trop souvent, les bébelles que l'on s'achète, bref, notre mode de vie est sur le banc des accusés. Zut! Moi aussi, j'aimerais mieux m'attrister du sort des ours blancs et me dire que c'est la faute d'un gouvernement qui n'est pas assez soucieux de l'environnement. Mais je constate qu'il y a des enfants qui meurent et que je fais partie de l'équation.

C'est la deuxième fois en trois ans que la région subit une sécheresse. Dans l'est du Tchad où j'ai réalisé une évaluation des besoins pour une ONG internationale, les habitants qui avaient accumulé 50 bêtes (chèvres, boeufs, chameaux, etc.) ont terminé la saison sèche avec cinq ou six bêtes en 2010, les autres étant mortes en quête de plus verts pâturages. Puisque ces animaux constituent leur compte de banque, vous imaginez bien que le rendement de ce «REER» n'a pas été bien productif. On comprend aussi que ce n'est pas facile pour eux de faire face à la crise en cours cette année.

J'ai posé la question qui me taraudait et que je n'osais poser: «Mais si c'est de plus en plus difficile de survivre ici, pourquoi ne pas aller habiter ailleurs?» C'est la seule réponse en langue locale qu'on n'ait pas eu besoin de me traduire. La réponse ressemblait probablement à celle que vous dira l'habitant de Natashquan ou quiconque né sur son lopin de terre. «C'est chez moi ici, où veux-tu que j'aille, maudit niaiseux?» La réponse n'est pas évidente, il n'est pas facile pour un paysan de trouver une terre disponible chez son voisin qui n'est souvent pas de la même ethnie. Encore moins de se la payer... Aussi, certains jeunes tentent leur chance dans les (bidon) villes, espérant se trouver un travail, parfois dans d'autres pays...

Je sais que plusieurs d'entre vous diront qu'il y a des pauvres ici aussi, c'est vrai. Mais là-bas, il y a 16 millions de personnes en insécurité alimentaire, c'est aussi à dire que beaucoup d'enfants souffrent et malheureusement certains meurent des conséquences de la malnutrition.

Nous avons une responsabilité dans ces crises qui se multiplient en raison du réchauffement climatique qui n'est pas étranger à notre hyperconsommation. Alors quand on vous offre de passer à l'action pour réduire notre empreinte écologique ou pour demander à notre gouvernement de le faire, quand vous entendrez ce que les Oxfam, Croix-Rouge, CARE et Médecins sans frontières font sur le terrain et qu'ils vous tendront la main en leur demandant de les appuyer, considérez que nous sommes tous un peu liés dans ce monde et qu'il va de soi de donner un coup de main à celui qui est dans le besoin.

Les Sahéliens comme les ours polaires voient leur environnement se désagréger tous les jours. La différence est que les Sahéliens sont des humains.