À l'aube de la reprise des travaux de la commission Charbonneau, qui seront les prochains dénonciateurs qui feront tomber les Vincent Lacroix de ce monde? Soudainement, le Québec de l'omerta est apeuré.

Longtemps au Québec, la pire insulte fut celle de se faire traiter de «stool». D'ailleurs, en 2007, je rencontrais le responsable à l'éthique de l'une des plus grandes entreprises canadiennes, lequel m'a demandé pourquoi seulement 20% des plaintes provenaient du Québec alors que 60% de ses employés se trouvaient dans notre belle province ? L'explication se trouve peut-être dans notre solidarité avec nos cousins français, lesquels ont encore à la mémoire l'époque de la Seconde Guerre mondiale lors de laquelle les « collabos » avaient aidé l'occupant allemand. Que nos collègues ou patrons s'adonnent à des pratiques quelque peu douteuses, pendant longtemps jamais l'idée de les dénoncer ne fut-elle sérieusement envisagée.

Pourtant, depuis environ deux ans, les délateurs et dénonciateurs déferlent de toutes parts. Il y a quelques mois, Gilles Cloutier, ancien vice-président de la firme d'ingénierie Roche, dénonçait les pratiques potentiellement douteuses de cette firme. Lino Zambito, entrepreneur médiatisé, dénonçait la grande proximité des entreprises de construction avec le pouvoir politique. Jacques Duchesneau, surnommé l'Eliott Ness du Québec, après avoir écoulé son rapport dans les médias a récemment dénoncé la présence possible de ministres sur le légendaire bateau de monsieur Accurso. Sans oublier les lignes «éthiques» ou de «vigilance» qui se multiplient comme du chiendent un peu partout au sein de nos organisations.

Pour ou contre les «stools»? Très difficile de répondre. Rappelez-vous, cet ancien chef des finances de Norbourg, lequel avait habillement dénoncé Vincent Lacroix, obtenant de ce fait l'immunité civile, pénale, criminelle et fiscale. Ou encore récemment l'entreprise MSC Réhabilitation, filiale du géant Veolia Transport, qui dénonçait un cartel des égouts dont elle avait été elle-même l'instigatrice! Les autres entreprises impliquées se sont vues interdire de soumissionner à des appels d'offres publics pendant cinq ans, laissant le champ libre à l'entreprise dénonciatrice!

Certaines situations nous choquent profondément, le message semblant être « soyez le premier à dénoncer et vous en sortirez gagnant avec vos comptes aux Îles Caïmans... ». Mais de l'autre côté, comment briser un système si personne ne parle, si tous en devenons complices ? Les documents prouvant la corruption, la fixation des prix et les appels d'offres bidon ont de bonnes chances d'avoir été brûlés, ou peut-être n'ont-ils même jamais existé.

Que ce soit le courage ou la lâcheté qui guide les «stools», rappelons-nous que le plus important, c'est de contribuer à un Québec meilleur en faisant le ménage et en rétablissant la confiance.

La commission Charbonneau pourrait devenir une téléréalité où des révélations juteuses feront la manchette.