J'habite dans la région de Chambly depuis une dizaine d'années et, tous les jours, je croise la rivière L'Acadie, un cours d'eau sinueux. Bien que ses eaux soient brunâtres, j'ai décidé d'aller y pagayer, histoire de la connaître de l'intérieur, plutôt que de simplement l'effleurer du regard.

À l'endroit où se trouve un petit ponceau piétonnier qui la traverse et qui relie Chambly à Carignan, je suis descendu de mon kayak. Cette rivière m'a surprise. Dès mes premiers coups de pagaie, j'y ai vu jaillir un énorme poisson qui est venu m'éclabousser, comme pour me souhaiter la bienvenue - ou peut-être pour m'inviter à quitter sa demeure. Au prochain tournant, j'ai aperçu une famille de canards colverts avec cinq ou six canetons, puis une autre d'outardes avec un régiment encore plus imposant.

Puis, se faisant dorer au soleil, quelques tortues peintes reposaient sur une vieille souche humide. Près d'elles flottait une bouteille de plastique vide. Et là, immobile comme une branche grisâtre, un grand héron m'observait d'un oeil hypocrite avant de battre ses grandes ailes pour tenter sa chance ailleurs. Quelques mètres plus loin, d'autres bouteilles vides, des sacs de plastique et des pneus. Des dizaines de pneus. Et là un magnifique bihoreau gris aux ailes bleu gris qui me regardait sans réagir.

Oups, que vois-je? Un oeuf? Non, une balle de golf à demi immergée. Puis une autre et encore une autre. Ah oui! Il y a un champ d'exercice tout près avec un filet protecteur qui doit probablement être troué quelque part. En tout, j'en ramasserai 28. Méchant trou. (Et plusieurs autres balles trop loin sur la berge pour que je puisse les ramasser de mon kayak).

Sur une partie des berges: de magnifiques fougères d'un vert luisant, de grands érables argentés (Acer saccharinum), des frênes de Pennsylvanie (Fraxinus pensylvanica), des saules resplendissants (Salix) et autres grands arbres majestueux. Et sur l'autre rive: des bandes riveraines en érosion, boueuses et aussi sales qu'une plaie infectée que les fermiers de la région ont scandaleusement déchiquetées à grands coups de profit et d'innocence.

Avec tous ces produits chimiques qui s'y déversent, l'eau de la rivière L'Acadie est l'un des cours d'eau les plus pollués du Québec. Tout en pagayant, j'ai ramassé ces cochonneries comme d'autres cueillent des pommes au verger. J'en ai rempli ma petite embarcation.

Malheureusement, je n'avais plus de place pour ce magnifique sofa déglingué, cette carcasse de voiture, ce baril d'acier rouillé et tous ces pneus avec lesquels je pensais m'ouvrir une usine de caoutchouc.

Un dernier petit mot pour tous les cochons qui jettent leurs déchets par les fenêtres de leur belle voiture toute propre: ramassez-vous! Si vous êtes trop lâches pour ramener vos déchets, restez chez vous et jetez plutôt vos détritus sur le plancher de votre salon; ainsi, vous serez à même de constater ce que c'est que de vivre dans un dépotoir.

Et comme dirait Baden Powell: «Rends le monde meilleur à ton départ qu'il ne l'était à ton arrivée.» Ainsi, le monde sera plus beau, nos rivières plus accueillantes, nos forêts plus splendides et notre planète plus verte et confortable; et nous serons fiers de montrer à nos enfants la nature dans toute sa splendeur.