Dans sa première entrevue aux médias, publiée le 1er mai, le PDG de Couche-Tard, Alain Bouchard, s'attaque à la CSN et à la «campagne» de syndicalisation qui a cours présentement.

Oui, la CSN a bien compris le modèle d'affaires de Couche-Tard. C'est celui de payer ses employés au salaire minimum même si plusieurs y travaillent depuis des années. Celui de faire le plus d'argent possible pour se hisser dans le «top 100» des Canadiens les plus riches. C'est d'être un employeur délinquant, qui génère énormément de plaintes à la CSST et à la Commission des normes du travail. Dans ce dernier cas, plus que Wal-Mart, même si celui-ci compte deux fois plus d'employés au Québec que Couche-Tard.

Que dire d'un employeur qui fait signer des documents où il demande à un futur employé, lors d'une entrevue d'embauche, de renoncer à son droit de se syndiquer (deux démarches illégales en passant)? Ce droit est inaliénable; il n'appartient certainement pas à M. Bouchard de décider pour ces travailleurs!

À la CSN, nous saluons le succès des entreprises québécoises, ici et à l'étranger. Mais pas quand ce succès se fait sur le dos de leurs travailleurs. Dans un tableau publié dans La Presse du 21 avril, il est indiqué que la rémunération des dirigeants de Couche-Tard a augmenté de 49% en un an. Alain Bouchard se hisse au 86e rang parmi les hommes les plus riches du Canada. Une p'tite gêne peut-être? Et un peu de considération s.v.p. pour vos employés!

Pour la première fois au Québec, deux dépanneurs Couche-Tard, à Saint-Liboire et Saint-Hubert, auront une convention collective dans quelques mois et pourront ainsi améliorer leurs conditions de travail. C'est une grande victoire.

Leurs demandes sont raisonnables: augmentation du salaire jusqu'à 12,50$ l'heure après quatre ans, des journées de maladie, alors qu'ils n'en ont aucune présentement, le respect des normes du travail, du soutien psychologique et des congés après une agression armée, le respect de l'ancienneté pour le choix des vacances et des horaires, la flexibilité de pouvoir échanger leurs quarts de travail entre eux.

Plusieurs employés travaillent pour Couche-Tard depuis deux, six, dix ans. Ils connaissent leur réalité quotidienne. Ils aiment leur travail, leurs clients, mais ils n'aiment pas leurs conditions de travail.

La CSN continue la syndicalisation parce que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui la réclament. Contrairement aux prétentions de M. Bouchard, la CSN ne fait pas d'argent avec cette syndicalisation. Eh non, ce n'est pas payant! Mais c'est le rôle essentiel des organisations syndicales que de défendre les plus précaires, les plus mal payés de notre société, comme elle le fait depuis quelques mois à la Commission des relations du travail pour faire reconnaître les droits de ces employés.

Pour la gouverne d'Alain Bouchard, précisons d'abord que le taux de syndicalisation est d'environ 25% en Europe. Certains commerces sont syndiqués, d'autres ne le sont pas. M. Bouchard affirme qu'il peut vivre avec des dépanneurs syndiqués dans la nouvelle entreprise, la Statoil, que Couche-Tard acquiert pour 2,7 milliards de dollars.

Si tel est le cas, il pourrait bien appliquer cette même idéologie ici et arrêter de s'acharner contre le désir légitime des travailleurs de se syndiquer. Au Québec, le commerce de détail vit grâce au service à la clientèle qui est assumé par des employés dévoués. Ces personnes méritent le respect et ont droit de se syndiquer comme tous les autres travailleurs du Québec.

On peut toujours dire que la CSN ne comprend pas le plan d'affaires d'une entreprise. Si au moins c'était dit par un employeur qui n'exploite pas honteusement ceux qui font sa fortune, nous pourrions peut-être y accorder une certaine attention.