Notre mode de scrutin affaiblit la cohésion du Canada. Il amplifie artificiellement la concentration régionale des appuis des partis politiques sur la scène fédérale.

Avec 50% des voix dans une province, un parti fédéral peut y ravir à peu près tous les sièges. Mais avec 20% des voix, il se peut qu'il n'y obtienne aucun siège. C'est ainsi que l'Ontario a pu paraître plus libérale qu'elle ne l'était vraiment, l'Alberta plus réformiste-conservatrice, le Québec plus bloquiste, etc.

Je ne vois pas pourquoi nous devrions garder un mode de scrutin qui fait apparaître nos grands partis comme étant moins nationaux qu'ils le sont, nos régions plus opposées politiquement qu'elles le sont. Je ne veux plus d'un mode de scrutin qui donne l'impression que certains partis font une croix sur le Québec, ou sur l'Ouest. Au contraire, il faut que du Parti vert au Parti conservateur, tous s'imprègnent de toutes les régions du Canada, y convoitent et puissent y obtenir des sièges en proportion de leurs appuis. Voilà la principale raison pour laquelle je recommande le remplacement de notre mode de scrutin. Il reste à déterminer quelle serait la solution de rechange.

Je propose le vote proportionnel-préférentiel-personnalisé. Pour faire court: le vote P3 (à ne pas confondre avec les PPP de la construction!).

On élirait de trois à cinq députés par circonscription au lieu d'un seul. Le nombre de sièges de députés resterait inchangé, c'est le nombre de circonscriptions qui diminuerait. On obtiendrait ainsi une proportionnelle modérée qui corrige l'effet de distorsion régionale du mode de scrutin actuel. En effet, le parti ayant obtenu le plus de voix dans la circonscription gagnerait probablement trois sièges sur cinq, ou deux sur trois. De la sorte, des sièges seraient en jeu dans toutes les circonscriptions, même dans la plus conservatrice des circonscriptions albertaines, même dans la plus libérale des circonscriptions torontoises ou montréalaises.

Cependant, avec cette proportionnelle modérée, il serait plus rare que le résultat donne un gouvernement majoritaire formé d'un seul parti. Au cas où un gouvernement de coalition s'avèrerait nécessaire, il faudrait qu'il soit stable et cohérent. Une façon de préparer les partis à cette éventualité serait de recourir au vote préférentiel. Selon ce système, l'électeur est invité dans l'isoloir à ordonner les partis selon ses préférences.

Le grand avantage du vote préférentiel est de favoriser la coopération entre les partis. En effet, chaque parti a intérêt à convaincre les électeurs des autres partis qu'il représente un deuxième choix acceptable pour eux. Les partis sont ainsi incités à faire ressortir les ressemblances dans leurs objectifs et leurs programmes. La recherche du report des préférences électorales subséquentes de leurs électeurs respectifs les préparerait à gouverner ensemble. Ainsi, les coalitions seraient prévisibles pour les électeurs et même influencées par eux, donc probablement cohérentes.

Enfin, il faudrait permettre à l'électeur non seulement de ranger les partis selon ses préférences, mais aussi de voter pour un candidat. Il n'en choisirait qu'un seul. Il devrait choisir ce candidat parmi ceux qui se sont présentés sous la bannière du parti qu'il a placé en tête de ses préférences. Ainsi, les Canadiens pourraient continuer à voter pour des candidats en chair et en os et non pas uniquement pour des partis. De la sorte, le vote demeurerait personnalisé.

On obtient ainsi un mode de scrutin qui favorise le rayonnement national de nos partis, renforce la coopération nécessaire entre eux et fasse en sorte que chaque vote compte et que des sièges soient en jeu partout au Canada. Le vote P3 est taillé sur mesure pour le Canada en répondant aux besoins de cohésion d'un pays étendu, décentralisé et diversifié.

Cette opinion résume un texte publié cette semaine par L'Idée fédérale et disponible sur le site internet du groupe. (www.ideefederale.ca)