Dans une semaine, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle française seront connus. Nicolas Sarkozy et François Hollande, la droite contre la gauche, s'affronteront au second tour. Les équations complexes des spécialistes, dont celles de mon collègue Martial Foucauld, donnent la victoire au candidat socialiste, au second tour du 6 mai (avec 52%).

S'il se produit, le retour de la gauche au pouvoir en France aura lieu dans un contexte préoccupant de turbulence économique. Après la Grèce, l'Italie l'Espagne et le Portugal, la France est le maillon faible de la zone euro. Sa dette atteint 90% du PIB, les dépenses gouvernementales 56%, la croissance annoncée sera au mieux anémique (1%), alors que la prévision de chômage est de 10%.

Pourtant il a été peu question d'économie au cours de la campagne. À peine quelques propositions de réduction du déficit. Rien sur la menace qui pèse sur le crédit ni sur les gains de productivité indispensables. Le silence est d'autant plus préoccupant que le crédit de la France est, avec celui de l'Allemagne, la garantie principale au programme de soutien de l'euro que gère dans l'urgence la Banque centrale européenne.

En campagne, les candidats sont trop heureux d'encourager l'insouciance et un avenir radieux pour une France «forte». Le phénomène est coutumier et relève d'une faille majeure qui confirme l'ingouvernabilité de nos sociétés. La démocratie fonctionne à sens unique comme un puissant levier de redistribution des revenus selon une logique qui assure à la majorité, la fameuse classe moyenne, des services de qualité en période d'abondance et un filet social généreux en situation de crise. Viennent les élections, l'économie et la politique étrangère disparaissent des débats. En situation de crise, rappelle Nicolas Baverez, la seule sortie assurée est celle du candidat sortant.

Au concours électoral il n'y a pas de solution populaire à la crise. L'équilibre budgétaire promis est repoussé à l'horizon lointain; pas avant 2016 a indiqué Nicolas Sarkozy. Pour y parvenir, on annonce un saupoudrage de coupes et l'augmentation des impôts des plus riches. François Hollande ne voulant pas être en reste promet de taxer à 75% les plus hauts revenus (plus de 1 million d'euros). Françoise Hardy et Patrick Bruel ont annoncé qu'ils pensent à l'exil. Les candidats multiplient les propositions défensives à l'endroit de l'Europe.

La débâcle budgétaire de l'Europe n'aura pas servi de leçon. Les démocraties surendettées sont exposées aux exigences des marchés et les gouvernements vacillent au gré des marges de crédit que leur consentent les banques. C'est en raison de la négligence démocratique que le capital gouverne. Après une trêve, la spéculation contre l'euro, alimentée par les promesses de campagne, reprendra au lendemain des élections françaises.

La croissance demeure le seul moyen pour dégager sans douleur le surplus indispensable aux équilibres financiers. Mais les obstacles sont considérables. Les mesures d'austérité provoquent une rechute dans la récession. Il faut aussi tenir compte de la concurrence des pays émergents dont les bas salaires et les marchés en expansion attirent les investissements des multinationales occidentales. La réplique ne se trouve pas dans le protectionniste ni dans la renégociation à la baisse du traité budgétaire européen que préconise François Hollande, mais dans la productivité allemande.

Le seul moyen pour l'Europe d'échapper aux diktats des banques est de fédérer la croissance. Cela suppose des ressources fiscales adaptées, un parlement doté de pouvoirs réels, des mesures de concertation en plus des programmes de péréquation. Le fédéralisme canadien pourrait bien ici servir d'inspiration.