En dehors de la question d'être pour ou contre la hausse des droits de scolarité, il y a cette question fascinante de la notion de démocratie qui, je crois humblement, est galvaudée à gauche... et à droite.

Les opposants à la hausse estiment que la démocratie est en péril. J'avoue ne pas avoir senti ce péril pour ne pas avoir très clair en tête de quel genre de démocratie on parle. Que 200 000 étudiants marchent dans la rue ou que l'ensemble des artistes et Marc Laviolette appuient leur cause est certes une indication de bonne santé démocratique. Toutefois, leur nombre et les appuis qu'ils récoltent n'indiquent pas qu'ils ont nécessairement raison et que les «autres» sont de mauvais citoyens ligués contre la démocratie et le bien social. La démocratie ne peut se résumer bêtement à une seule question comptable.

Par exemple, je suis soumis à la décision de la majorité lors d'un vote syndical, que je sois d'accord ou non avec cette majorité. Le Code du travail s'applique. Je m'incline. Mais hors de cette contrainte (sans doute nécessaire dans ce cas précis), je ne me tirerai pas à l'eau et ce, même si 75% de la meute juge que c'est une juste cause. Ma libre-pensée et mon jugement prévalent et, dans ce cas précis: au diable la démocratie!

Le fait que les artistes (je dis «les» à défaut d'avoir entendu une seule voix dissidente) et les syndicats soutiennent massivement les étudiants ne nous fait pas progresser d'un iota dans la compréhension des enjeux qui ne sont certes pas aussi simplistes que: «moi être pour justice sociale, toi être capitaliste».

Regardons ce qui ressort peu dans les médias où on ne voit que les mêmes visages à quelques exceptions près, ce qui biaise nettement la nouvelle et emprisonne dans l'ombre une large tranche des effectifs étudiants qui veulent le retour en classe et/ou qui trouvent socialement raisonnable l'augmentation des droits de scolarité. Quelle proportion de la population et des étudiants est contre cette «grève» ? Je ne la connais pas précisément, mais à ce que j'en ai lu, elle se situerait à plus ou moins 50%. Mais même à 40% ou 30%, peut-on admettre que ces partisans de la hausse ne sont pas tous d'odieux capitalistes et d'infâmes exploiteurs des faibles à la solde des libéraux? Le débat est-il manichéen, soit l'axe du bien contre l'axe du mal; ceux qui se préoccupent d'équité sociale contre ceux qui n'en ont joyeusement que faire?

À mon avis, les syndicats, dont ceux des enseignants, n'ont rien à faire dans ce dossier et leur influence y est même toxique: premièrement les professeurs sont en position d'autorité et leur influence est donc disproportionnée et, deuxièmement, leurs membres n'auront pas à partager le lourd tribut que les étudiants auront à payer à la fin de ce soulèvement. Les artistes non plus ne se réveilleront pas avec la gueule de bois à la fin de cette crise honteusement gonflée et récupérée.

Par contre, je pose cette question: se pourrait-il que le mouvement étudiant représente un accessoire et les étudiants eux-mêmes des instruments à une autre cause visée par certains groupes qui les motivent? Ce n'est pas le droit à l'éducation qui est en cause (ça ne l'a jamais été) dans ce conflit: les enjeux me semblent bassement politiques. Vouloir forcer la sortie d'un parti politique (peu importe lequel) qui ne fait pas avancer notre cause ou nos idées en instrumentalisant l'effectif étudiant m'apparaît nettement discutable et peu glorieux comme mission démocratique.