Moi, Patience Paradis (nom fictif), sain d'esprit, je suis atteint depuis 10 ans d'une maladie dégénérative qui ne pardonne pas.

Je vais mourir, je le sais, mon médecin m'en a délicatement mais clairement informé: mon état fonctionnel somatique est déficitaire, progressif, irréversible.

Je suis en état de maladie terminale.

Docteur, j'ai des craintes concernant les soins appropriés de fin de vie depuis que la Société royale du Canada a recommandé de légiférer pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté. De plus, le rapport de la commission pour mourir dans la dignité m'inquiète.

Docteur, je veux que vous soigniez ma mort qui s'en vient, comme déjà vous avez si bien traité mon infarctus du myocarde. Je ne veux pas être transféré à l'unité des soins palliatifs de l'hôpital. Ces soins, je les ai reçus chez moi et avec l'aide de tous, j'ai trouvé la force de continuer. Maintenant, le temps est venu pour moi, avec votre aide, de trouver le courage de mettre fin à mes souffrances qui durent depuis si longtemps et éventuellement mettre fin à ma vie. Je suis maintenant prêt à me laisser aller.

Bien sûr, j'ai peur de la mort, mais encore plus des souffrances qui l'accompagnent. Pendant que mes neurones cérébraux fonctionnent encore, ma décision est prise: je remets mon âme à Dieu et mon corps à la terre, confiant, me souvenant que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Ne me laissez pas souffrir.

Docteur, la douleur est inutile, nuisible, dangereuse.

Inutile: Je ne crois pas qu'il n'y ait rien de plus grand qu'une grande douleur, c'est de la nostalgie d'un temps passé. J'ai été si souvent visité par les noirs séraphins que je suis en perpétuel état de grâce.

Nuisible: J'ai besoin de toutes mes forces morales pour apprendre à mourir.

Dangereuse: J'ai peur qu'elle m'envahisse, me détruise, me déraisonne et me pousse à en finir avec ce qu'on appelle l'euthanasie assassine.

Docteur! Vous avez en main votre trousse thérapeutique pour soulager ma douleur, mon anxiété, ma peur de mourir. Donnez-moi le temps, le calme pour me permettre de faire le tour de mon jardin avant de mourir.

Nous avons convenu ensemble qu'il n'y aurait pas d'acharnement thérapeutique, ni gavage, ni assistance respiratoire. Nous avons convenu de cesser ma médication de support et vous l'avez fait. Nous avons aussi convenu qu'il n'y aurait pas d'acharnement palliatif de fin de vie. Docteur! Ne prenez pas ma mort en main. Laissez-moi ma dernière liberté, celle de décider du moment de partir.

***

Patience Paradis est parti sur son étoile calmement, entouré de sa famille éplorée, qui a su si bien prendre soin de lui durant sa longue maladie.

J'ai été médecin de famille de Patience, cet homme de bon vouloir; compétent jusqu'à son dernier souffle, homme d'éthique et respectueux de la vie et de la mort. Cet homme m'a appris le concept de laisser mourir au terme d'une cachexie et déshydratation terminale: dure épreuve pour un médecin thérapeute, mais nécessaire décision, dans le respect de la vie, de la mort.

Si j'avais l'opportunité de faire des recommandations à la Commission pour mourir dans la dignité, je lui dirais de réserver le mot «euthanasie» au règne animal; de bien encadrer les soins appropriés de fin de vie et de recommander fortement à la communauté universitaire de gériatrie de produire un guide de soins appropriés de fin de vie, à l'intention des médecins qui trop souvent sont solitaires en prodiguant ces soins.

De plus, on devrait insister pour que soient établies des unités de soins palliatifs sur tout le territoire, là où le mourant veut mourir. Enfin, il faudrait que tous les Patience Paradis de ce monde rédigent leur testament de fin de vie afin d'éviter et de contrer les dérapages.