Il y a quelques semaines, Pierre Duhaime, aujourd'hui ex-PDG de SNC-Lavalin, brandissait haut et fort les codes d'éthique de l'entreprise en disant: «On est toujours à revoir nos codes d'éthique». Les récents événements en Libye semblent démontrer que M. Duhaime, et possiblement les dirigeants ayant récemment quitté le navire, auraient manqué à ces fameux codes d'éthique.

L'une des plus grandes hypocrisies en matière d'éthique est malheureusement... le code d'éthique. Trop d'organisations, privées comme publiques, se cachent derrière un code et sont fières d'inscrire dans leur rapport annuel que 99% de leurs employés l'ont lu, compris et ont accepté de s'y conformer.

Pourtant, mon expérience de formateur en éthique me permet d'affirmer qu'environ 15% à 25% des employés, dirigeants et administrateurs ont réellement lu leur code! Faites le test auprès de vos collègues et vous constaterez par vous-même. Un peu contradictoire lorsque l'objectif premier d'un code d'éthique est qu'il soit lu...

Lorsque j'ai démarré dans le domaine de l'éthique en 2003, je me rappelle d'une rencontre fort révélatrice avec le vice-président des ressources humaines d'une entreprise comptant plus de 10 000 employés. D'entrée de jeu, il me dit qu'il ne voulait pas que le code coûte plus de 2000$! Je lui réplique alors que cela risquait d'être très difficile puisque de nombreuses rencontres sont souhaitables, que le document connaîtra plusieurs versions et que certaines sections, dont celle sur les conflits d'intérêts, peuvent représenter un seul paragraphe comme cinq pages. Il me répond: «Vous n'avez rien compris, j'en ai besoin pour lundi prochain».

Plus récemment, j'ai rencontré un groupe de travail qui souhaitait que je les aide à identifier leurs valeurs. Aussitôt arrivé, le responsable du marketing m'explique qu'il désirait avoir cinq valeurs et qu'elles commencent toutes par un «i». De belles valeurs sur un «poster», mais pas nécessairement pour une organisation.

Ces exemples apparaissent peut-être un peu exagérés, mais ils sont le reflet d'une réalité pour de nombreux dirigeants qui ont recours à l'éthique pour se protéger juridiquement ou pour des fins de relations publiques.

Il est catastrophique de constater que plus d'une centaine d'établissements de santé ont adopté des codes d'éthique «copiés collés», qu'une dizaine de nos plus grandes organisations ont défrayé des milliers de dollars pour quelques paragraphes ou tournures de phrases différentes, ou que des centaines de municipalités, devant la date butoir du 4 décembre dernier, n'ont eu d'autre choix que de sous-traiter la rédaction de leur code sans même participer à la démarche.

Le code devrait être un outil puissant et mobilisateur. Or nous sommes en train d'inciter employés, dirigeants et administrateurs à le tabletter et de lancer le message que l'éthique sert à se donner une belle image ou à se protéger juridiquement.

Pour qu'un code soit efficace, il faut qu'il soit personnalisé et que des membres de l'organisation participent à la démarche. Ensuite, le code doit être adéquatement diffusé. Il faut aider les employés, gestionnaires et administrateurs à le lire et se l'approprier. Finalement, il faut faire vivre et évoluer ce code par des exemples, du leadership et de la reconnaissance des bons comportements.

S'il y a un document qui devrait être connu de tous, c'est bien le code d'éthique. Il devrait refléter la carte identitaire de l'organisation et inspirer ce qu'elle aspire à devenir.